Les ciels peints par Van Gogh sont-ils scientifiquement vrais ?
- Durant son séjour en Provence, Vincent Van Gogh peint une série de ciels étoilés en combinant l’observation de la réalité et l’imagination créatrice.
- C’est ce que confirme une enquête passionnante de l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet.
En 1888, Van Gogh s’installe à Arles (Bouches-du-Rhône) et découvre la lumière et les nuits provençales. Il veut peindre le ciel étoilé. Jean-Pierre Luminet, spécialiste des trous noirs et de la cosmologie, romancier et poète, répond à nos questions après la publication de son livre richement illustré les Nuits étoilées de Vincent Van Gogh (1). Dans cet ouvrage, il éclaire sur un aspect essentiel de la vision artistique du peintre à l’oreille coupée.
- Pourquoi un ouvrage sur les rapports que Vincent Van Gogh a entretenus avec « la vision du ciel provençal » ?
Natif de Provence, j’ai passé mon enfance à la campagne, levant les yeux vers le bleu profond du ciel nocturne et les étoiles scintillantes. Plus tard, sous les cieux moins limpides de la région parisienne où j’ai exercé l’essentiel de mon métier d’astrophysicien, j’ai toujours gardé en mémoire cette lumière à deux couleurs, bleu cobalt et jaune doré, ciel et soleils, étendards de la Provence, couleurs clés de l’art pictural de Van Gogh.
En outre, j’ai toujours été fasciné par les liens étroits que les différentes formes d’expression artistique ont tissés, au fil de l’histoire, avec les sciences de l’univers et le regard qu’elles portent vers la voûte céleste. Quand j’ai découvert la demi-douzaine de nuits étoilées que l’artiste néerlandais a peintes lors de ses deux dernières années passées en Provence, j’ai été saisi par la façon dont il avait traduit ses visions du ciel nocturne.
La première question que je me suis posée a été de savoir si les astres qu’il a reproduits reflétaient une certaine réalité astronomique ou bien étaient le fruit de sa pure imagination.
C’est au milieu des années 1990 que j’ai commencé une enquête picturale, astronomique, épistolaire et poétique portant sur la demi-douzaine de toiles nocturnes issues de son projet.
À force de recoupements mettant en jeu biographie, histoire de l’art, logiciels de reconstitution astronomique et explorations sur les lieux mêmes où van Gogh avait posé son chevalet, j’ai pu établir que les portions de ciel représentées dans ses tableaux correspondaient toujours à un étonnant « réalisme de position » – bien que les luminosités des astres soient, pour des raisons d’équilibre de formes et de couleurs, très exacerbées.
Cette question n’est pas seulement une affaire de curiosité biographique, elle touche aussi à la vision fondamentale du peintre.
Faut-il peindre d’après nature ou d’après l’imagination ?
Le débat a suscité les disputes qu’il a eues avec Paul Gauguin durant les deux mois de leur cohabitation à Arles, qui se sont conclues par l’épisode de l’oreille coupée et son internement à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence.
Pour Van Gogh, peindre le ciel représente d’abord un défi technique et esthétique : « Il est évident que, pour peindre un ciel étoilé, il ne suffit point du tout de mettre des points blancs sur du noir », écrit-il.
Dans sa Terrasse de café et la Nuit étoilée sur le Rhône, peintes à Arles, il reproduit assez fidèlement des constellations aisément reconnaissables. Mais, à partir de son internement à Saint-Rémy-de-Provence, son imagination va progressivement prendre le dessus.
Dès lors, ses toiles nocturnes vont résulter d’une conjonction entre une observation astronomique précise, remodelée par une imagination débridée – taille énorme des astres, volutes et tourbillons dans le ciel – et un travail de mémoire reflétant la nostalgie de son pays natal.
Mais aussi, et cela est fondamental pour comprendre sa démarche, un élan spirituel vers l’infini du ciel : « J’ai un besoin terrible – dirai-je le mot – de religion, alors je vais la nuit dehors pour peindre les étoiles », a-t-il écrit.
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Anna Musso. Source : L’humanité. (Extraits)
(1) Éditions Seghers, 2023, 160 pages, 21 euros.
Qu’importe, les ciels de Vincent sont si beaux
C’est parfaitement vrai ce que tu dis Christine. Lorsque j’ai Lu cet article, je me suis interrogé sur la façon de voir l’aspect scientifique d’une œuvre. J’avoue qu’en l’occurrence, il faut être bien curieux pour aller chercher une correspondance entre la représentation artistique et la réalité de la représentation et du mouvement des étoiles À l’époque où a été réalisé l’Œuvre de Vincent. Il y a bien qu’un scientifique pour aller chercher de telles concordances.
Amitiés
Michel