Il est l’un de ceux qui ont déclenché la procédure judiciaire contre Maurice Papon au début des années 1980 et le dernier encore en vie.
- Comment a commencé ce combat judiciaire contre Maurice Papon, au début des années 1980 ?
« Dans ma famille, il y a eu dix déportés, dont huit à Bordeaux. On a donc voulu que les responsables soient jugés et condamnés. En tant que fonctionnaire de Vichy à la préfecture de Gironde, Maurice Papon a organisé la déportation à Bordeaux de 1 597 juifs, dont 230 enfants. »
- Que présentez-vous lors de vos conférences ?
« Des documents d’archives du procès Papon, qui donnent des éléments clés. Par exemple, à Bordeaux, Papon fait arrêter des familles juives. Il confie les enfants à des familles d’accueil et, sans demande spécifique allemande, il les arrête un mois après et les fait déporter. On m’a dit que ce n’était pas Papon, que c’était les accords Bousquet-Oberg.
Mais même s’ils avaient été signés au moment des rafles, les décrets d’application n’avaient pas été mis en oeuvre. Cela montre que c’était une initiative personnelle. Tout dans l’affaire Papon relève de l’excès de zèle. Ce qu’il a fait, avec ses services, relève directement du crime contre l’humanité. Et il n’a jamais eu une parole de regret ».
- Avec votre livre, vous avez dit vouloir rétablir la vérité sur ce dossier…
« Oui, car il y a eu des tentatives d’appropriation par des personnes qui étaient, au contraire, plutôt opposées. C’est seulement grâce à nous que l’État français a été condamné pour son rôle dans la déportation des juifs de France. Il faut savoir que ce sont des juifs laïques qui ont permis la réalisation de ce procès. On s’est battu seul pendant des années, on n’avait même pas le soutien du consistoire israélite de Bordeaux. C’est pour ça que j’ai écrit ce livre, que je mène ce combat et que je multiplie les conférences partout en France ».
- Comment continuez-vous ce combat ?
« Je vais par exemple rencontrer des collégiens et lycéens, pour transmettre, être un témoin vivant de ce qu’on leur enseigne dans leurs livres d’histoire. Je leur explique comment s’est passé le procès, les acteurs qui l’ont permis, comment je suis intervenu avec ma famille, les mécanismes de la déportation à Bordeaux…
Je ne suis pas un historien, je leur donne la vérité judiciaire, qui n’est pas tout à fait la même que la vérité historique, et bien sûr différente de celle des négationnistes et des révisionnistes actuellement. Ça leur rappelle aussi que le fascisme aujourd’hui tire ses racines dans le fascisme de Pétain ».
Justement, c’est le thème de votre conférence intitulée « Fascisme d’hier, fascisme d’aujourd’hui au regard du procès Papon ». Ça veut dire quoi ?
« Ce que je veux mettre en avant, parce que l’on hésite à le dire, c’est que le régime de Vichy et de Pétain, était un régime fasciste, qui a collaboré de son plein gré avec le nazisme. Après-guerre, ses membres se sont reconstitués, entre autres au sein du Front national, devenu aujourd’hui une des forces qui risque de prendre le pouvoir.
Le fascisme prend des formes et des visages différents, mais les mécanismes sont identiques. Le crime contre l’humanité est identique pour le génocide arménien, au Rwanda ou en ex-Yougoslavie. Le danger aujourd’hui, c’est de voir le fascisme revenir au pouvoir en France. C’est contre ça que je me bats. »
La situation actuelle vous inquiète-t-elle ?
« Oui, car jamais un parti d’extrême droite n’avait atteint les portes du pouvoir en France depuis la guerre, et aujourd’hui c’est le cas. Le fascisme cache son visage, il revient à pas feutrés.
Beaucoup de gens se disent que ce n’est pas grave si Marine Le Pen prend le pouvoir pendant cinq ans, qu’on reviendra, après, à une démocratie.
Ce qu’ils ne voient pas c’est que, si un jour, un gouvernement fasciste arrive en France, il gardera le pouvoir beaucoup plus longtemps, c’est son habitude. En 1940, Pétain avait été élu démocratiquement… »
Propos recueillis par Alexis Hennebelle. Le Dauphiné Libéré. 16/06/2023
Juste un élément de réflexion. Toutes les affirmations de Jean-Marie Matisson sont basées sur les minutes du procès. Signalons en parallèle que des historiens de tous bords ne se sont pas gênées pour contester les pièces du procès sur des points plus ou moins précis. Reste que le fascisme a bien eu lieu en France, couvert en particulier par une petite partie de la population française et un nombre important de personnes miliciennes diffusant la doctrine fasciste. Doctrine toujours présente aujourd’hui. MC
Un procès nécessaire, il fallait que Papon et Bousquet soient traduits en justice, ce sont des criminels sans aucune excuse.
Sur Bdx le maire collabo jugé après la Libération à pris 10 ans d’inéligibilité , par contre , les flics et autres miliciens au service de pétain et à la botte des allemands ont pu chausser leurs pantoufles en rentrant chez eux en changeant de brassard tout en gonflant le nombre des Libérateurs !