La contre-offensive ukrainienne est d’abord de presser et harceler les lignes russes
La contre-offensive était annoncée de longue date, nous sommes en plein dedans. Dans l’est de l’Ukraine – vers Koupiansk, Bakhmout et Orikhiv -, artillerie, chars et fantassins ukrainiens ont donné l’assaut le 6 juin sur les positions russes.
Plus de dix jours après le lancement de cette opération militaire, sous le brouillard des obus et de la désinformation russe comme ukrainienne -, le premier bilan est difficile à dresser.
Vladimir Pouline a affirmé, vendredi, que l’offensive n’a « aucune chance » évoquant de « très lourdes pertes » et expliquant qu’aucun des objectifs ukrainiens n’ont été atteints.
Volodymyr Zelensky a, lui, assuré jeudi que son armée « avance », informant chaque jour ou presque un nouveau décompte de villages repris des mains de l’envahisseur.
D’un côté comme de l’autre, la guerre de l’information, à destination de sa propre population et de la communauté internationale, bat son plein. « La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité » disait l’écrivain Rudyard Kipling.
Mal préparés au début, les Russes se sont repris
Sur le plan militaire, aucune des deux armées ne s’est faite enfoncer et rien ne laisse présager, pour l’heure, de l’issue de l’offensive. « Tout est assez conforme à ce qui était attendu. Il n’y a aucune surprise » analyse Michel Goya, ancien colonel de l’armée française.
Les Ukrainiens sont organisés en deux échelons. Le premier qui presse et harcèle méthodiquement les lignes russes sur plusieurs points géographiques, le second, beaucoup plus riche en hommes, qui attend l’apparition d’une faille potentielle pour s’y engouffrer en nombre et encercler les défenseurs encore présents.
S’ils avaient été mis en déroute lors de leur offensive, car mal préparés, les Russes semblent cette fois s’être repris. Sur toute la ligne de front, leur défense s’organise en trois positions successives, profondes de 30 km au total et reliées entre elles par des tranchées. Autour et entre ces lignes, des fossés antichars et une importante concentration de mines. Ralenties par ce dispositif, les unités d’infanteries et de blindés ukrainiens subissent le feu nourri de l’artillerie russe.
Derrière ses lignes, l’armée russe a, elle aussi, prévu une importante réserve d’hommes et d’équipements qui pourra, le cas échéant, être positionnée en renfort d’une ligne de défense qui viendrait à céder sous les incursions répétées ukrainiennes.
D’autant que Moscou a pu profiter de l’inondation de la région de Kherson, provoquée par la destruction du barrage de Kakhovka dont elle réfute toujours toute responsabilité. Sous l’eau, la ligne de front a ainsi été réduite de 200 km, permettant au Kremlin de redéployer ses troupes.
« Dans une semaine, nous aurons une vision déjà plus claire de la tournure des évènements, mais avant d’arriver à faire craquer ce dispositif, ça peut prendre des semaines » prévoit Michel Goya.
La tactique et la logistique, clé du succès ?
Deux inconnues subsistent et vont être déterminantes, de part et d’autre.
La première est d’ordre stratégique : « L’intelligence tactique qu’adopteront les deux armées, c’est là que tout va se jouer, car les matériels russes et ukrainiens sont sensiblement équivalents en nombre et en qualité », prévient l’ancien militaire français.
La seconde est d’ordre logistique : les réserves de carburant et de munitions (principalement d’obus d’artillerie) ainsi que la capacité des états-majors à les faire parvenir à temps sur le front.
Kiev joue très gros. Un échec cuisant de son offensive risquerait grandement de geler le conflit, condamnant une partie de son territoire, et donc de sa population, à rester pour longtemps sous le joug du voisin russe.
Etienne Ouvrier. Le Dauphiné Libéré. 17/06/2023
Dans 95 % des cas, les conflits proviennent d’intérêts économiques liés à la géopolitique des états, comme aux volontés hégémoniques territoriales. MC
Pour l’instant ça ressemble plutôt à l’offensive Nivelle au chemin des Dames.