… de chienlit en zénitude… le vocabulaire des politiques est d’abord de la com’ décomplexée.
De « poudre de perlimpinpin » à « carabistouille », Macron ne manque pas de vocabulaire. Il « prétéritionne » à tout-va depuis qu’il est à l’Élysée, et il ne se retourne pas quand il a passé l’« hémistiche ». Macron sait jouer de tous les registres de langue.
Le voici qui s’essaie à parler le Retailleau, c’est dire s’il peut aller loin !
En plein Conseil des ministres, la semaine dernière, il amalgame trois faits divers violents qui, à l’en croire, valent crise civilisationnelle. Et il conclut à la « décivilisation », le mot à la mode à droite, que Bruno Retailleau emploie à tout bout de chant vendéen, que Xavier Bertrand avait emprunté à Renaud Camus, le funeste propagandiste du « grand remplacement ». Le mot, surtout, qu’a forgé le sociologue allemand Norbert Elias pour décrire comment la violence de la discrimination raciste des nazis a décivilisé la civilisation allemande.
Doit-on chercher des noises à Macron parce qu’il fait un petit clin d’œil électoraliste à Retailleau ? Ce n’est pas la première fois qu’il tourne autour du mot « civilisation ».
Le 27 décembre 2017, il évoquait « un combat de civilisations » contre le terrorisme. Notion introduite par George W. Bush après le 11 septembre, et fort controversée. La décivilisation, ce serait la violence de l’intérieur qui ronge le modèle français, provoquée par des terroristes, mais aussi par un déséquilibré qui assassine une infirmière, un chauffard qui tue des policiers, des fachos qui harcèlent un maire…
Autant de violences qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Mais que l’extrême droite a l’habitude d’amalgamer, alors que tous les historiens s’accordent sur l’idée que jamais dans nos sociétés la violence n’a été aussi faible, mais jamais aussi médiatisée, ce qui la rend insupportable.
Macron parle riche, mais parfois trop vite.
En Conseil des ministres, il a fait la leçon, le 30 mai 2023, à sa Première ministre qui avait comparé Le Pen à Pétain. Des « postures morales qui ne prennent plus dans l’opinion », a-t-il grincé en expliquant qu’il fallait décrédibiliser le RN « par le fond » et pas avec « les mots des années 90 ». Il vaut mieux reprendre son vocabulaire d’aujourd’hui ?
Un président ne devrait pas parler le Retailleau, ce n’est pas de son niveau.
Article signé des initiales J.-M. Th. Le Canard Enchaîné. 31/05/2023