Dépenses…

Encore et encore

Même étalé sur sept années, 413,3 milliards d’euros, ce n’est évidemment pas rien ! Mais, c’est bien connu, la guerre, même sans la faire, ça coûte cher, d’autant que l’inflation n’épargne ni le char ni le canon. Les prix des produits de guerre flambent plus que ceux des produits alimentaires. Le Rafale est à 142 millions TTC sans les options, et l’AMX-30 a augmenté plus vite que les « paquets de pâtes » que le ministre de l’Économie a lui-même du mal à payer pour « quatre enfants à nourrir ».

La France aussi, avec ses 3 000 milliards de dette, a du mal à payer ces plus de 400 milliards du projet de loi de programmation militaire. Mais même le premier président de la Cour des comptes ne trouve pas trop à y redire. Tout au plus chipote-t-il sur « 13,3 milliards d’euros dont on ne sait pas encore comment ils seront financés ». A peine plus que le tarif catalogue d’un porte-avions de nouvelle génération et à peu près le montant alloué à l’outre-mer. C’est que, même spectaculaire, cette augmentation des dépenses militaires, qui en aurait fait hurler plus d’un en d’autres temps, ne fait pas grand bruit puisque, bien sûr, l’invasion de l’Ukraine par Poutine la justifie.

A l’Assemblée, où les députés viennent de commencer l’examen du projet de loi qui prévoit cette forte hausse du budget des armées, le ministre se fait nettement moins canonner que son collègue du Travail avec la réforme des retraites. Les troupes adverses ne redoublent pas vraiment de combativité.

Certes, la droite LR, pour avoir l’air de vouloir en découdre, cherche bien quelques bisbilles budgétaires. Mais elle ne peut pas se permettre d’aller contre son propre électorat pro-militaire en flinguant un tel projet de loi. Pas question, donc, d’attaquer sur le montant, sinon pour le trouver « insuffisant ». Juste d’essayer, pour la gloire, de négocier, en vain, une rallonge. La stratégie est limitée.

Sur le flanc gauche, ça canarde un peu plus, mais la Nupes compte surtout ses divisions. Et, sur le sujet, elles ne manquent pas. Les Insoumis, les socialistes, les écolos, les communistes avancent sur ce terrain délicat en ordre très dispersé. Les uns, comme les Insoumis, qui ont présenté leur projet, prônent la sortie du commandement intégré de l’Otan (comme le RN, d’ail leurs).

D’autres sont pour la fin du partenariat privilégié avec l’Allemagne ou contre un nouveau porte-avions. Mais, entre les tirailleurs et les tiraillements, et en dépit de la poutinophilie de certains, ce très cher projet de loi de programmation militaire a plus que de fortes chances de sortir indemne de son parcours en terrain ennemi à l’Assemblée.

Avec une guerre à trois heures d’avion de nos frontières, l’effort de défense, même au prix fort, est évidemment accepté sans rechigner. 413 milliards et des poussières sur sept ans, ce n’est pas loin de 60 milliards par an. Ce qui représente aussi un peu moins que les 66 milliards que coûtera chaque année l’« urgence d’une action d’envergure » dans la planification écologique.

C’est ce qu’estime le rapport de l’économiste Jean Pisani-Ferry sur cette autre lourde facture à venir. Et, d’ici à 2030, la seule décarbonation entraînera, selon lui, un accroissement de la dette publique de 300 milliards.

La défense du climat n’est certes pas donnée, mais, comme la défense nationale, elle risque de coûter plus cher si on ne l’assure pas. Il reste juste à espérer que cette facture verte ne rencontre pas plus de difficultés que la facture kaki à passer.


Erik Emptaz. Canard Enchainé 24/05/2023


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