Orages

« Levez-vous, orages désirés » incante Chateaubriand.

Le vent fraîchit. Des nuées fuligineuses se pressent aux portes des futaies. Des cavaliers fantastiques traversent les ténèbres à bride abattue. On perçoit le souffle sulfureux d’un vol de sorcières allant célébrer leurs rituels blasphématoires sur de froids dolmens…

Au seuil de la nuit, le mont sauvage courbe son dos noir, bordé d’une frise d’étoiles.

Des créneaux de nuages, où la lune joue à cache-cache.
Dans le lointain obscur, le grand-duc chuinte.

« Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe calme et volupté » chuchote Baudelaire sur la table de chevet.

Fallacieuse douceur nocturne. Le Maître des lieux s’extirpe de sa couche deux fois millénaire. Il s’étire, bâille et contemple d’un œil goguenard ces mortels besogneux qui espèrent, à cette heure tardive, la visite du marchand de sable.

Ne souriez pas !
Le moment n’est pas à la galéjade insouciante et futile.
Bientôt, l’effarant spectacle va commencer.
En lever de rideau, Tarann, fulgurant dieu gaulois, soupe au lait, colérique à souhait, va tambourler sur le Tanargue.

Ambiance wagnérienne assurée. Petit Poucet et Petit Chaperon rouge devront rester à la maison.

Tel un serpent tombant du ciel, la foudre frappe et le tonnerre, répercuté en écho jusqu’au lit de la Beaume, glace le sang des fiers-à-bras. Là-haut, sur la crête ébouriffée, Éole mugit. L’averse, sans trêve, gifle l’humus et la fougère. L’éclair, de toutes parts, jaillit en gerbes affolantes.

Dans la nuit cathédrale, les grands orgues jouent de tous leurs claviers.

Romantisme en son et lumières, illuminations spirituelles, la fièvre monte au front de mystiques spectateurs.

La légende raconte (mais est-ce bien crédible ?) qu’en ces dantesques instants, au cœur des éléments déchaînés, on assista au grand orgasme des dieux…

Au matin, des perles de pluie s’irisent au soleil.
Tarann s’en est allé, fourbu, retrouver les entrailles occultes de sa montagne.