Bien que sans cesse réformé, les services publics se dégradent toujours plus.
« Nos services publics devront porter l’espérance en une vie meilleure », déclaré le chef de l’État, après la promulgation de la loi sur les retraites – depuis, la cheffe du gouvernement, le ministre de la Santé puis celui de la Justice ont annoncé une série de mesures. La fonction publique, qui emploie 5,6 millions de personnes en France, revient régulièrement dans les discours des politiques.
Ils nous promettent toujours d’améliorer les services rendus aux usagers. Pourtant, réforme après réforme, la population ne peut que constater, au jour le jour, des fermetures de classes ou de maternités, un manque de lits et de soignants dans les hôpitaux, des délais allongés pour nombre de démarches…
Un décryptage assuré par la politiste Julie Gervais et l’historienne Claire Lemercier. Un (extrait) d’article signé de Valérie Lehoux. Télérama. N° 3827.
- Le gouvernement diffère des services publics, l’une de ses priorités.
Depuis 20 ans, les réformes qui devraient les consolider n’ont fait que les affaiblir. Elles reposent sur des notions abstraites, supposées fonctionnant partout : on veut gérer un hôpital comme on gère une mairie, une sous-préfecture, un lycée ou une entreprise. Cela est renforcé par une grande circulation des cadres, voulue par l’État : une même personne peut, un jour, diriger une collectivité locale, puis un service de l’éducation nationale et le lendemain à l’opéra, en appliquant chaque fois les mêmes recettes…
Globalement, les effectifs de la fonction publique restent stables depuis quelques années ; la question n’est pas tant celle des moyens que celle de leur utilisation, et de leurs organisations.
Or le mode de gestion des services publics, fort différents les uns des autres, sont de plus en plus dictés, de façon uniforme, par des décideurs qui restent dans leur bureau et cadrent les moyens et les objectifs, dans des tableaux Excel, sans prendre en compte les contraintes du quotidien
- Par qui et comment ce type de réforme sont-elles conçues
Par de très hauts fonctionnaires, qui souvent vont pantoufler dans le privé ; mais aussi des consultants de cabinet de type McKinsey ; des banquiers travaillant de manière temporaire dans les ministères ; des dirigeants d’entreprise, sollicitée pour amender les programmes scolaires – des ponts et chaussées par exemple ; etc.
La liste est longue.
Tous ces gens forment, avec les responsables politiques au sommet de l’État, ce que nous appelons la NMPP : la « noblesse managériale publique privée » – pour reprendre le concept Bourdieusien de « noblesse d’État », en l’adaptant aux réalités d’aujourd’hui.
- A-t-il existé un « âge d’or » des services publics ?
De la toute fin du XIXe siècle aux années 1980, le maillage territorial métropolitain était remarquable, pour les tribunaux notamment, mais ce n’était pas du tout le cas dans les territoires d’outre-mer – qui souffre encore d’un sous-équipement hérité de l’époque coloniale. Quant à l’égalité femmes hommes, elle est restée une chimère durant des décennies, de nombreux corps de la haute fonction publique étend, de fait, fermé aux femmes.
Du point de vue des usagers non plus, l’égalité était loin d’être parfaite : l’attribution des HLM a longtemps été tributaire de considérations racistes. On ne peut donc pas parler d’un acheteur à restaurer. Pour moderniser les services publics actuels, il vaut mieux imaginer des réformes nouvelles, qui tiendraient compte des aspirations de la population, en matière de proximité ou de nouveau besoin.
La réflexion se multiplie, par exemple, autour d’un service public de l’alimentation, avec des propositions très variées sur la façon dont ils pourraient se concrétiser.
- Ou, géographiquement, les services publics manquent-ils le plus ?
Dans les zones rurales, où les fermetures ont été motivées par la baisse de la population, mais aussi, de manière plus étonnante, dans les banlieues populaires : l’offre de services y est restée à peu près la même que dans les années 1950 – 1960, c’est-à-dire avant la construction des grands ensembles. Elle est donc aujourd’hui très sous-dimensionné.
Les maisons France service sont censées compenser cela en rassemblant en un lieu l’accès à un ensemble de guichets (caisse d’allocations familiales, impôts, pôle emploi…). Mais ce qui peut sembler une bonne idée pose de gros problèmes : les gens ne sont pas au courant de que ça n’existe, d’autant que ces structures ont changé plusieurs fois de nom, qu’elles déménagent fréquemment, non pas une signalétique claire, et que le gouvernement surestime totalement leur capacité à communiquer dessus. La plupart des usagers, notamment à la campagne, continu de s’adresser d’abord à leur mairie – en vain.
Ensuite, les personnes travaillant dans ces maisons France service ne sont pas en capacité de résoudre tous les problèmes qui leur sont soumis. Elles sont souvent très mal payées, avec des contrats précaires, et non pas reçu de formation approfondie ; elles n’ont même pas le droit d’effectuer les démarches qui requièrent la confidentialité. Elles sont justes en position d’aiguillage et dit souvent aux usagers « rentrer chez vous pour faire vos dossiers sur Internet », ou « remplissez votre demande sur la bande là-bas, mais je ne veux pas tout vous expliquer ». Dans le passé, les secrétaires de mairie pouvaient connaître les numéros de téléphone direct d’interlocuteur à l’ad hoc, à la CAF par exemple, qui savait résoudre tel ou tel problème. Les jeunes précaires des maisons France service non passées, numéro. Or, il existe beaucoup de cas compliqués, de situations personnelles qui n’entrent pas dans les cases des formulaires.
- La dégradation des services publics influence-t-elle la dégradation démocratique ?
La fermeture des guichets de proximité est une violence pour celles et ceux qui se retrouvent sans services publics dans leur commune et de plus très souvent sans moyens de déplacement pour se rendre auprès des agences ouvertes dans d’autres communes. La colère née de cet éloignement se traduit politiquement : la carte de la désertification des services publics coïncide avec celle des succès électoraux du rassemblement national.
Une méfiance généralisée est en train de s’installer : celle des usagers vis-à-vis d’un État qui ne répond plus à leurs besoins ; celle de l’État vis-à-vis de ses propres agents, soupçonnés de ne pas être assez efficace ; celle d’agent qui ont le sentiment d’être empêchés de bien travailler, face à des objectifs intenables. Et bien sûr, tout cela pourrait se transformer en méfiance envers la démocratie elle-même.
Viens faire un p’tit tour dans mon territoire rural… Telle est ma réponse à l’État qui s’en fiche pas mal !
Bonjour Christine, ravie de te revoir depuis que j’ai récupéré mes adresses mail et mon blog
À vrai dire, la désertification des services publics départementaux, n’intéresse guère les habitants de la capitale, où les très grosses villes régionales.
La population rurale – quelquefois électrice, souvent abstentionniste – largement désavantagée en accès aux services publics, se constate délaissée par L’État. La population rurale, affiche son désaccord en votant systématiquement pour les candidats anti-gouvernement ou contre les souscrivant des directives de l’Europe.
Au résultat : droitisation de la société, négation de la démocratie.
Amitiés
Michel
Pendant que tu n’étais pas là… Je t’ai dédié mon article du 18 mai, » En visite chez Michel, j’ai rencontré Alphonse »😜💋
Merci Christine pour m’avoir signalé ce que je ne pouvais durant ces presque trois semaines, je vais retrouver ton article…
Amitiès
Michel
Il n’y a pas de définition du service public dans notre constitution, donc aucune obligation réciproque. D’un côté les gouvernements ont privatisé, d’un autre côté ont été créées des centaines d’officine dont la raison d’être est souvent peu avouables. L’état disperse donc ses moyens, qui ont pourtant augmenté considérable, le résultat c’est une impression d’anarchie, beaucoup dépend de ces NMPP dont certains ne sont là que pour faire du renvoi d’ascenseur.