Faut pas provoquer

Énigme : à quoi sert l’université ?

À cette question, l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, auteure du livre Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête, pourrait nous faire une réponse amère. Alors qu’elle avait été invitée à donner une conférence sur ce dernier ouvrage à la faculté de lettres de la Sorbonne, son passage a finalement été décalé.

La raison ? « Le risque d’incidents et de blocage […] en période d’examen. »

Comprendre : la direction de la faculté a préféré reporter une conférence sur les réseaux fréristes et leurs modes d’action en Europe, donnée par une anthropologue du CNRS, par crainte que certains étudiants, mécontents que le sujet soit abordé, ne bloquent l’établissement.

La faculté de lettres de la Sorbonne ne fait qu’imiter ses consœurs.

En 2021, à Sciences Po Grenoble, un professeur a dû cesser ses cours après des propos jugés islamophobes. En 2019, à l’université de Bordeaux, une conférence de Sylviane Agacinski, opposée à la gestation pour autrui (GPA), n’a pas pu se tenir.

Plus récemment, à Lille, les noms d’étudiants opposés au blocage de leur école pendant le mouvement contre la réforme des retraites ont été tagués, comme balancés, devant l’établissement.

Le pire ? La situation avait été anticipée, puisque la conférence de Bergeaud-Blackler avait, dès l’origine, été organisée à 18 heures, « pour éviter qu'[elle] ne soit perturbée par des étudiants. Le public était plus âgé, plus large et plus averti qu’à l’accoutumée », a confié son organisateur, Pierre-Henri Tavoillot, à Marianne. « Plus âgé », « plus averti », c’est-à-dire apte à supporter la contradiction. Et pour ne rien enlever au tragi-comique de la situation : « J’ai suggéré à la doyenne, comme solution, d’intervertir cette conférence avec celle que doit donner Jean-Michel Blanquer le 2 juin », a fait savoir la même source. Bien sombres sont les heures où un ex-ministre de Macron énerve moins les étudiants qu’une chercheuse dont le seul tort est de travailler sur l’islamisme.


J.-L Adénor. Charlie hebdo. 17/05/2023


2 réflexions sur “Faut pas provoquer

  1. bernarddominik 12/06/2023 / 11h33

    L’université n’est plus un lieu de liberté et de démocratie. Seule est autorisée la nouvelle pensée unique prônée par certaines ong et ligues.

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