Le pull-over

On avait un seul pull pour deux,
Un grand pull-over d’amoureux,
Chacun un bras pour une manche
Et chacun l’autre sur la hanche…
Au début… il serrait un peu…
Impatients, on guettait l’hiver.
L’été, des glaçons plein nos verres,
On tuait, comme on dit, le beau temps
En tricotant de temps en temps
Des petits, petits, pull-overs…
 
Puis, le temps a lâché ses mailles,
Et quand on ne fut plus de taille,
Pique-assiettes et pique-cœurs
Sont venus, soudain, en squatteurs,
Habiter sous notre chandail!…

Alors, la flotte s’y est mise,
Jusqu’à la chair de nos chemises…
Le pull est devenu trop grand,
On a démonté quelques rangs
Pour mieux ficeler nos valises.
Tellement, il est tombé d’eau
Sur le toit de notre tricot,
On a fini par y nager…

L’amour, c’est ce drôle de berger
Qui tond la laine sur le dos!…
Un coup de pluie, un coup de fer,
Un coup d’endroit, un coup d’envers,
Et de cafard, et de couteau,
Nous voilà chacun sur le dos
Une moitié de pull-over!…

L’amour… Ah! La belle crapule!
Qui fait mine d’offrir un pull,
Puis rembobine sa pelote
À mesure que le tricotent
Les aiguilles de sa pendule!…

On avait un seul pull pour deux,
Un grand pull-over d’amoureux…
On avait un seul pull pour deux,
Un grand pull-over d’amoureux!…


Allain Leprest


Une réflexion sur “Le pull-over

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