Inflation

Premier producteur européen (et troisième mondial) de bouteilles et d’emballages en verre, la société Verallia avoue une pratique que les entreprises travaillant pour l’agroalimentaire ont d’ordinaire la décence – ou l’habileté – de passer sous silence.

Dans un avis financier récemment publié, cette ex-filiale de Saint-Gobain reconnaît que l’inflation lui a servi de prétexte pour gonfler ses prix bien au-delà de l’augmentation de ses coûts de production et ainsi réaliser des profits record !

Peu après le déclenchement de la guerre en Ukraine, Verallia avait adressé à ses clients viticulteurs un mail, exhumé récemment par « La Revue du vin de France » (avril 2023), pour leur annoncer une grave pénurie de flacons et des livraisons au compte-gouttes.

Les vignerons avaient dû se rabattre sur des boutanches d’un design ou d’une fabrication haut de gamme – les seules que leur fournisseur proposait alors à la vente -, facturées entre 30 % et 40 % plus cher.

Un an plus tard, la société sable le champagne et annonce des profits pétillants. Son résultat net a flambé de 42,7 % en 2022 et atteint 356 millions, pour un chiffre d’affaires en hausse de 25,3 %. Santé !

Depuis, comme en témoignent les chiffres du premier trimestre 2023, la fête continue. Dans un communiqué diffusé le 19 avril, le groupe confesse avoir encaissé 135 millions d’euros de mieux grâce à « une augmentation des prix de vente (…) supérieure à l’augmentation des coûts de production ».

Nouvel aveu ! La hausse des bénefs est ainsi supérieure d’environ 12 % à la hausse du prix de la fabrication du verre, énergie comprise. Du moment que l’actionnaire est content…

Un milliard, sinon rien !

Grand consommateur de bouteilles, le groupe Pernod Ricard a visiblement appliqué les mêmes préceptes que Verallia.

Si le chiffre d’affaires de la société n’a gonflé « que » de 12 %, le résultat net, lui, a crû de 29 % (à 1,8 milliard d’euros) pour le dernier semestre comptable (à cheval sur 2022 et 2023).

Même constat pour PepsiCo : ici, le résultat net enfle de 17 %, pour des ventes en progression de 8,7 % seulement.

Quant au géant Nestlé – réputé pour ses comptes indéchiffrables -, il avoue un gentil taux de marge de 17 %.

La grande distribution se porte tout aussi bien.

Carrefour a enregistré une progression de ses bénéfices nets de 26 % (1,35 milliard d’euros), pour une petite hausse de son chiffre d’affaires de 8,5 %.

Impossible, en revanche, de connaître l’état réel des caisses d’E.Leclerc, d’Intermarché ou de Système U : comme il s’agit de réseaux de distributeurs indépendants, leurs résultats ne peuvent – dans le meilleur des cas – être connus qu’adhérent par adhérent. Or, à lui seul, Leclerc en compte 544…

Même opacité pour les marques de distributeurs, réputées générer de très beaux profits. En 2019, ces derniers étaient estimés par les spécialistes à environ 30 %. Pour conserver cette manne, les prix de revient des articles concernés restent classés top secret.

Chaque chaîne d’hypers veille, en outre, à faire fabriquer des produits toujours un peu différents de ceux de la concurrence, histoire d’empêcher les consommateurs de comparer les tarifs entre les enseignes.

On n’est jamais trop prudent…


Hervé Liffran. Canard enchaîné. 03/05/2023


Des bénéfices en hausses mais des salaires ne « suivant »… MC


Une réflexion sur “Inflation

  1. christinenovalarue 09/05/2023 / 11:55

    Ah, quel monde pourri, on ne respecte même plus le bon vin !💔💔💔

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