Bosser-Rémunérer

Un « couplage » fonctionnant a minima dans tous les sens…

« Ce que l’on veut, c’est permettre aux bénéficiaires du RSA de retrouver un emploi. Il ne s’agit pas de les faire travailler sans les payer. Il s’agit de leur permettre de découvrir des métiers, de se former quand ils en ont besoin, et c’est cela les 15 à 20 heures d’activité dont on parle. »

La déclaration d’Élisabeth Borne, lors de l’interview qu’elle a accordée à l’émission Télématin, jeudi 27 avril, est gonflée. Parce que les allocataires du revenu de solidarité active qui recevront 607 euros pour 20 heures de travail seront, de fait, payés à un salaire horaire inférieur au Smic.

Même pour Martin Hirsch, grand massacreur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et désormais vendu à un grand groupe d’enseignement supérieur privé, « transformer un allocataire en une main-d’œuvre sans droit est une régression sociale comme il n’y en a pas souvent. Pas de travail sans salaire ».

Le RSA, c’est la pauvreté revendiquée. Son montant est volontairement inférieur au seuil de pauvreté (qui est de l’ordre de 1 100 euros pour une personne seule). Le but de ses concepteurs, dont Hirsch, était clair : ne surtout pas verser une allocation universelle permettant de vivre sans travailler mais, tout au contraire, « inciter à la reprise d’emploi ».

Lorsque l’on demande aux Français quelle est la somme minimale pour vivre, les réponses tournent autour de 1 500 euros C’est la même somme obtenue lors des très intéressantes expériences de « budgets de référence (1) ». Ces 1 500 euros sont encore la somme en dessous de laquelle le niveau de bien-être des personnes se dégrade sensiblement, selon les remarquables travaux de la chercheuse Éléonore Richard (2).

« On nous promet une multitude de choses, mais il n’y a rien derrière »

Le RSA, c’est donc moins de la moitié de ce qu’il faudrait pour vivre au minimum. L’une des allocataires le dit : « On peut payer quelques factures, mais avec ça, on ne peut pas manger. […]. Il y a beaucoup de convocations, on fait toutes les démarches, on nous promet une multitude de choses, mais il n’y a rien derrière. Alors, après, on n’y croit plus. »

Un rapport de la Cour des comptes le confirme, un système impliquant départements (qui le versent), centres communaux d’action sociale, Pôle emploi, des myriades d’associations, etc., mais qui échoue. Seules 60 % des personnes se voient proposer un accompagnement (3) !

De plus, selon la Cour, « lorsqu’il existe, l’accompagnement est souvent inadapté aux difficultés spécifiques des allocataires du RSA ». Il s’agit, en effet, de vagues promesses qui n’engagent personne, à commencer par les institutions publiques. Et donc, le brave État, incapable d’assurer le minimum, veut nous faire croire qu’il va maintenant proposer des emplois et des formations de qualité ?

Le but de Borne, en reprenant, après la retraite à 64 ans, une nouvelle proposition majeure de la campagne de Valérie Pécresse, est bien sûr d’abord de piéger la droite.

En effet, plus de 80 % des électeurs de Marine Le Pen, d’Emmanuel Macron, de Valérie Pécresse ou d’Éric Zemmour soutiennent cette mesure. C’est également le cas de plus de la moitié des gentils électeurs d’Anne Hidalgo, des deux tiers des adorables soutiens de Yannick Jadot et de Jean-Luc Mélenchon, et même de plus de 80 % du sel de la terre, les électrices et électeurs de Fabien Roussel (4). Bref, faire chier les plus misérables d’entre nous, les électeurs de gauche, eux aussi, sont pour.

Et donc, tout le monde.


Gilles Raveaud. Charlie hebdo. 03/05/2023


  1. « À quoi servent les budgets de référence ? », dans l’émission Le pourquoi du comment (France Culture, 11 novembre 2021).
  2. « Une pauvreté bien mal mesurée », par Xavier Molénat (Alternatives économiques, 9 septembre 2022).
  3. « Le revenu de solidarité active (RSA) » (Cour des comptes, janvier 2022).
  4. Les Français et la réforme d’accès au RSA » (IFOP, mars 2022, accessible ici : ifop.com/publication/les-francais-et-la-reforme-dacces-au-rsa).

3 réflexions sur “Bosser-Rémunérer

  1. bernarddominik 08/05/2023 / 16:51

    Oui Gilles Raveaud a raison travailler ça fait chier, surtout lorsqu’on a pris l’habitude de ne rien faire. Le rsa c’est peu, mais si on rajoute le logement gratuit, les allocations familiales, l’allocation parent isolé, les transports gratuits, la situation est différente, si on y rajoute du travail au noir, c’est encore différent.

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