Un négro au temps du KKK

Harry, une voix, un comportement qui portait…

Alors que sa mère venait de rentrer avec un air mélancolique, Harry Bela­fonte lui demanda ce qui n’allait pas. « Jamais, dans ta vie, ne va te coucher alors que tu aurais pu faire quelque chose pour combattre l’injustice, et que tu ne l’as pas fait », lui rétorqua la jeune femme.

Le garçon, qui n’avait que 7 ans, ne comprit pas bien de quelle injustice elle voulait parler. Mais, au fond de lui, il se sentit investi d’une mission.

Mort mardi 25 avril à l’âge de 96 ans, Harold George Bellanfanti Jr fut un entertainer inclassable, un leader charismatique dont le discours engagé n’a pas dévié au fil des années.

Né dans un modeste foyer new-yorkais, il s’engage dans la Navy alors qu’il n’est pas encore majeur, pour participer à la Seconde Guerre mondiale.

Le retour au pays est amer : même quand il s’agit de célébrer la victoire, les Noirs sont traités comme des soldats de seconde classe. Ne sachant que faire de sa vie, le jeune homme trouve sa voie dans un sous-sol de Harlem où loge l’American Negro Theater, une troupe commu­nautaire qui compte Sidney Poitier dans ses rangs. Harry Belafonte y est engagé pour nettoyer la salle, avant de décrocher le rôle d’un troubadour qui chante le répertoire folk de Woody Guthrie et Leadbelly.

Il côtoie Miles Davis, Charlie Parker et Marlon Brando, qui suit le même cours de comédie. Tête d’affiche au cinéma dans Carmen Jones (1954), d’Otto Preminger, il rencontre aussi le succès avec son troisième disque, Calypso (1956), un recueil de chansons trinidadiennes et jamaïcaines où figure le tube Day 0 (Banana Boat Song), premier album de l’histoire vendu à plus d’un million d’exemplaires.

Tout au long de sa carrière, Harry Belafonte a obstinément engagé sa notoriété au profit des mêmes combats : pour les droits civiques et Martin Luther King, contre l’apartheid en Afrique du Sud, pour John F. Kennedy, contre l’embargo à Cuba, contre George W. Bush, pour Bernie Sanders.

Alors qu’il fut un poison constant pour l’administration de son pays, il exprimait la volonté que son épitaphe soit ainsi rédigée : « Harry Belafonte, patriote ».


Éric Delhaye. Télérama. N°3825 – 03/05/2023


Une réflexion sur “Un négro au temps du KKK

  1. bernarddominik 07/05/2023 / 14:07

    Un exemple et un héro de notre temps

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