Façon de dire…

… la novlangue dans l’élevage et les abattoirs : frissons !

On le sait, les Français mangent de moins en moins de viande. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture, nous en avons avalé chacun en moyenne 84,5 kilos en 2020, soit 1,5 kilo de moins que l’année précédente. Un désamour qui n’est pas uniquement dû à la flambée du prix de la bidoche (plus de 20 % en moyenne sur un an).

Les vidéos tournées clandestinement par l’association écolo L214 dans les abattoirs, porcheries et poulaillers industriels, diffusées sur les réseaux sociaux, ont fini par couper l’appétit à une partie des viandards : 36 % des consommateurs qui ont levé la fourchette sur le bifteck ou la cuisse de poulet assurent l’avoir fait au nom du seul bien-être animal (Harris Interactive, février 2021).

La filière se fait d’autant plus de mouron que les nouveaux végétariens ou flexitariens — ceux qui, sans bannir le steak, y touchent de moins en moins se recrutent massivement chez les 15-25 ans.

Mais, plutôt que de remettre en question l’élevage intensif, dont 85 % des Français réclament désormais l’interdiction (Ifop-Fondation 30 Millions d’amis, janvier 2022), l’industrie de la viande a ressorti une vieille technique de com’ : retailler son vocabulaire. Morceaux choisis.

Prenez la charmante formule « soins aux porcelets ». En guise de « soins », elle désigne le meulage des dents sans anesthésie et le coup de sécateur électrique sur la queue. Des mutilations en cours dans la quasi-totalité des élevages, pour éviter que les jeunes cochons, rendus agressifs par la promiscuité, croquent la queue de leurs voisins.

Toujours au registre des « soins », la castration, qui, jusqu’à l’an dernier, se pratiquait à vif. Soit 10 millions de porcelets émasculés tous les ans, pour qu’à la cuisson leur viande sente moins fort…

Chez les cuniculteurs, on parle d’« équilibrer les nids » Comprendre : le zigouillage à la naissance des lapereaux jugés trop petits ou excédentaires dans la portée. Sur les 35 millions de lapins qui naissent en élevage chaque année, 22 % sont éliminés par les maladies ou l’« équilibrage des nids » avant d’atteindre l’âge d’abattage.

Pour les oies et les canards, ne dites plus « gavage » mais « alimentation assistée » ; la pratique consistant à détruire le cerveau d’un boeuf ou d’un cheval à l’abattoir avec un pistolet à tige perforante s’appelle le « jon-chage », et, envoyer une vache à l’abattoir parce qu’elle n’arrive plus à donner ses 10 000 litres de lait par an, c’est la « réformer ». De là à dire qu’on nous mâche les mots…


Article non signé – Le Canard Enchainé. 03/05/2023


3 réflexions sur “Façon de dire…

  1. marie des vignes 07/05/2023 / 13:24

    Bonjour Michel chez nous nous avons deux (fille et petite fille) qui ne mangent plus ni viande ni poisson, seul Paul notre petit fils n’a pas peur d’un bon gros steak, nous, les « vieux » on mange de moins en moins de viande par goût mais surtout pour notre santé. Bon après-midi Amicalement MTH

    • Libres jugements 07/05/2023 / 13:49

      Bonjour Marie,
      Effectivement, à la maison, nous avons progressivement perdu l’habitude, par gout, de manger de la viande, souvent au profit de poissons, mais surtout en remplaçant le tout par des légumes frais non pas du jardin parce que nous ne savons pas cultiver, mais de provenance locale. En aucun cas nous entendons devenir végétarien pour autant, Juste répartir l’alimentation différemment. Est évité tous les surgelés, les élevages en batterie, les charcuteries additionnées, de même pour « bio certifié » vendu dans les magasins.
      Bon week-end.
      Amitiés
      Michel

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