A-t-on le droit…

… de se tromper en politique ?

 Est-il possible de faire toute une carrière sans jamais commettre d’erreur de jugement, comme en votant des textes mal fichus ou, au contraire, en s’opposant à des lois visionnaires ?

À propos de celle sur le mariage pour tous, dont on vient de fêter les dix ans, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à l’époque député du Nord, a reconnu qu’en votant contre, il s’était planté : « Je me suis trompé. Si c’était à refaire, je voterais le texte du mariage pour tous. » Il n’est pas le premier homme politique à reconnaître avoir fait des erreurs d’appréciation. En 2022, Olivier Véran avait reconnu, à propos des stocks de masques : « La vérité, c’est que, sur les masques, nous nous sommes trompés. »

On pourrait s’amuser à compiler les mea culpa des hommes d’État à travers l’Histoire, leurs analyses foireuses, leurs prévisions erronées. De Paul Reynaud, déclarant en 1939 : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », à Roosevelt détestant de Gaulle et lui préférant Pétain, les foirades politiques sont presque plus nombreuses que les succès.

À la lumière de ces exemples célèbres, on peut se demander si certaines décisions prises par le gouvernement ne sont pas déjà des erreurs dont on prendra conscience dans dix ou vingt ans. Ainsi de la répression des manifestations contre les projets de mégabassines, d’autoroutes ou d’aéroports. Même si l’on sait très bien que ce type de mobilisation attire inévitablement des casseurs, on sait aussi que les manifestants qui y participent sont motivés par des enjeux qui concernent notre survie et que leurs arguments méritent d’être écoutés.

Car la situation climatique actuelle n’a plus rien à voir avec celle des années 1970 ou 1980. Pourtant, les pouvoirs publics s’obstinent à opposer, sur ces questions environnementales, des discours stéréotypés. « Croissance », « emploi », « progrès », « modernité », c’est toujours le même logiciel productiviste que l’on nous ressert comme un vieux plat refroidi qui ne tient absolument pas compte de l’évolution catastrophique du climat, causée par les activités humaines. Et, comme à chaque fois, le gouvernement enrobe ça d’une communication pseudo-écolo, faite d’incitations fiscales, de « compensation carbone » et autres bricolages juridiques dont on sait qu’ils n’auront aucun effet sur le dérèglement climatique.

Complètement à côté de la plaque

À ceux qui contesteraient ces projets d’autoroutes ou d’aéroports par des occupations, on leur opposera une répression qui, au-delà des questions de maintien de l’ordre, contribue à de rendre invisible tout discours alternatif. Est-ce que lorsque les ZAD auront disparu du journal de 20 heures, cela signifiera que tout le monde pense pareil ? Eh bien non, malgré ces manœuvres d’intimidation, la contestation n’a pas fini de grossir. Car l’enjeu est bien plus grave que des histoires de cabane dans les arbres. C’est tout simplement celui de la survie de notre espèce dans un environnement climatique supportable.

Pendant que l’on parle de canicule atteignant 50 °C à Paris, de forêts qui meurent à petit feu et de restrictions d’eau potable, on continue de traiter les opposants à ces projets comme des délinquants et des criminels. La stratégie répressive adoptée contre des manifestations opposées à des projets très discutables sur le plan environnemental est complètement à côté de la plaque.

Faudra-t-il attendre dix ou vingt ans pour que les dirigeants actuels en prennent conscience ? Avouer s’être trompé, avoir pris une mauvaise décision, n’est qu’un procédé de communication politique. Les conséquences écologiques pour la collectivité causées par ces erreurs de jugement ne s’effaceront pas avec un simple mea culpa. Les citoyens en subiront les effets terribles des années après que les politiques qui les auront initiés auront disparu de la scène.


Editorial de RISS. Charlie Hebdo/. 26/04/2023


2 réflexions sur “A-t-on le droit…

  1. laurent domergue 28/04/2023 / 12h15

    A Thuir 66 , on goudronne encore les trottoirs , on bétonne aussi , on coupe des arbres au lieu d’élaguer , on construit à outrance et tout ça avec un maire socialiste et ancien communiste !

    • Libres jugements 28/04/2023 / 13h06

      Conserver l’étiquette d’un ex parti politique ou se revendiquer d’une nouvelle philosophie, n’empêche nullement la connerie humaine.
      Amitiés
      Michel

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