L’hôpital public et la loi Rist

Le plafonnement des honoraires des intérimaires accélère l’hémorragie.

Trente lits fermés à Remiremont, des urgences de nuit non assurées à Vittel, une maternité en tension à Epinal (« Le Quotidien du médecin », 14/4), sans compter des hospitalisations pédiatriques, accouchements et activités chirurgicales suspendus à l’hôpital du Bailleul (« Le Maine libre », 13/4)… Une véritable hémorragie !

Principale responsable ?

La loi Rist, entrée en vigueur le 3 avril, visant à plafonner les honoraires des médecins intérimaires à 1 390 euros brut pour vingt-quatre heures de garde. Le ministère de la Santé veut ainsi mettre fin aux dérives de ces vils « mercenaires » qui, naguère, pouvaient palper jusqu’à 5 000 euros par relève ! Problème : sans ces chers toubibs, décidés à ne pas enfiler la blouse dans ces conditions, plusieurs hôpitaux sont en surchauffe.

Braun baisse la garde

Au 17 avril, le bien nommé Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux recense 70 services fermés en raison du manque d’intérimaires, et une vingtaine en proie à des fermetures partielles et à des déprogrammations. Le 12 avril, il a formé un recours en référé demandant, « dans l’urgence », la suspension de cette loi.

De son côté, le ministre indique suivre la situation de près, se réjouissant que la fuite massive des blouses blanches prophétisée par les syndicats n’ait pas lieu. RAS, donc ? Voire ! Le cabinet de François Braun a très vite reconnu que des établissements régulaient bien l’accès aux urgences et fermaient la nuit (RTL, 10/4).

Quatre jours seulement après l’entrée en vigueur de la loi Rist, un décret permettait déjà de la contourner ! Les hostos proposent ainsi des contrats plus intéressants avec la bénédiction des agences régionales de santé (ARS). En clair, un praticien peut être payé jusqu’à 1 800 euros brut la garde -mais seulement pour des missions longues (en théorie) et dans des cas exceptionnels.

L’« exception » a rapidement été étendue – en Dordogne, par exemple, où l’ARS Nouvelle-Aquitaine autorise les directions hospitalières à utiliser ces contrats pour les « spécialités en tension ». Au sein du département, il ne s’agit que de la psychiatrie, des urgences, de l’anesthésie, de la périnatalité et de la neurologie. Trois fois rien, donc.

Dans ce département, le taux de médecins de secours varie entre 54 et 100 % (« Le Figaro », 14/4). L’absence d’un pédiatre, d’un obstétricien et d’un anesthésiste, tous intérimaires, condamne notamment la maternité de Sarlat jusqu’au mois de mai. Pourtant, même avec la loi Rist, et en jouant sur la durée des vacations, certains « mercenaires » parviennent à maintenir leur salaire.

La nouvelle situation crée du « dumping » entre établissements, relève Sauveur Méglio, urgentiste et délégué Poitou-Charentes de l’Association des médecins urgentistes de France. « Les intérimaires se tournent vers les établissements les plus offrants et, surtout, vers le privé, qui n’est pas assujetti au plafonnement. »

« Mercenaires cannibales »

En témoigne un mail désespéré de l’ARS Grand Est, envoyé le 3 avril aux cliniques privées, qui en appelle à la solidarité envers le public et demande à « porter un coup fatal à ce mercenariat cannibale ». Sic ! « Les intérimaires ne sont pas les sauveurs du système », nuance une membre du Collectif inter-hôpitaux. « Pour les médecins qui bossent sur place, c’était difficile de côtoyer des collègues, parfois plus jeunes, beaucoup mieux payés pour la même tâche », ajoute-t-elle, persuadée que les rémunérations hors-sol ne peuvent perdurer. Pas évident, pour autant, de leur tourner le dos, quand 30 % des postes de médecin titulaire sont vacants et que le taux d’absentéisme en 2022 s’élève à 12 %, selon une étude de la Fédération hospitalière de France publiée le 1ᵉʳ février. Vite, un garrot et des pansements !


Fanny Ruz-Guindos. Le Canard enchaîné. 19/04/2023


La loi Rist, à certes accentuer l’offre de soins publiques, mais c’est d’abord le désengagement de l’État pour les hôpitaux publics qu’il faut signaler. Tout cela pour que, comme le souhaite Bruxelles, l’offre de soins passe dans le privé. MC


4 réflexions sur “L’hôpital public et la loi Rist

  1. laurent domergue 25/04/2023 / 8h00

    En attendant chez nous à Thuir 66 depuis plus d’un an pas de docteur libre pour remplacer le notre parti à la retraite et pourtant bientôt 10 000 habitants dans notre ville !

    • Libres jugements 25/04/2023 / 9h22

      Bien triste tour de France des déserts sanitaires, personne, hors les gouvernants, ne peut se réjouir de cette situation.
      Situation qui dans une certaine mesure et réflexion morbide du gouvernement, arrangerait (arrangera) à plus ou moins long terme les comptes de la sécu par l’amplification des décès par manque : de soins, de diagnostics, de médications appropriées, permettant au secteur assurantiel privé de prendre le relais. Machiavel sort de l’Élysée.
      Amitiés
      Michel

Répondre à laurent domergueAnnuler la réponse.