… le discours de Macron du lundi 17 avril 2023.
Et à tous points de vue. Pas seulement en prétendant passer à autre chose que sa réforme impopulaire des retraites en moins d’un quart d’heure, mais dans le contenu également, en apparaissant comme à court d’arguments.
D’abord une brièveté record dans son autocritique à propos de ladite réforme.
Il a déploré sa difficulté et celle de son gouvernement à en faire admettre la « nécessité » puis a ajouté : « Nous devons en prendre toute la responsabilité. » Une responsabilité vite expédiée : « Cette réforme est-elle acceptée ? A l’évidence, non. »
Mais notre perspicace président va, promis-juré, « en tirer les enseignements ».
Pour cela, il se donne plus de temps que ces quelques secondes de contrition, sinon d’humilité. Il s’accorde « cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France ». Et, dans le même temps, il espère sortir son quinquennat sans majorité de la crise dans laquelle il l’a englué. Et le relancer avec trois « chantiers », rien de moins :
- celui « d’un nouveau pacte de vie au travail »,
- celui « de la justice et de l’ordre républicain »
- celui « du progrès pour mieux vivre ».
Le dernier chantier inclut deux priorités :
- l’école, qui doit « renouer avec l’ambition d’être l’une des meilleures d’Europe » et va s’améliorer « à vue d’oeil » dès la rentrée,
- le secteur de la santé, qui sera « profondément rebâti » dans la foulée…
Ce n’est pas rien, mais, compte tenu du fait que ces « chantiers » ne sont pas une nouveauté, et de l’ampleur de la tâche pour les mener à bien, là encore, à tous les sens du terme, ce délai de « cent jours » apparaît lui aussi comme un peu court.
« La réponse ne peut être ni dans l’immobilisme ni dans l’extrémisme », dit encore Macron.
Certes, mais le problème est que la réponse n’est pas non plus dans son discours. En tout cas, celle qu’il avance, entre ses tentatives d’apaisement, qui ont un air de déjà-entendu, et la relance de ces chantiers récurrents et déjà vus, sont, pour calmer les syndicats et le flot des mécontents, un peu courtes également.
Ces derniers restent fermes sur leurs positions. Et continuent de penser et de répéter que, Macron a beau dire qu’il a « entendu la colère », faute de l’avoir écoutée, il n’a pas fini de l’entendre.
L’apaisement escompté risque de se faire attendre.
D’abord parce que les syndicats, qui ont décliné son invitation à l’Elysée et sa « porte ouverte », n’entendent en aucun cas la franchir avant le ler mai, que l’intersyndicale espère dans la rue « exceptionnel et populaire ».
Ensuite parce que Macron, lors de la réunion de préparation de son intervention de lundi, s’est montré très énervé face aux ministres présents, beaucoup plus offensif et donc moins « apaisant » envers ses opposants que dans son discours.
Enfin parce que, contrairement aux besoins d’apaisement précédents, celui-là ne pourra, ni en un quart d’heure ni en cent jours, se régler au « quoi qu’il en coûte ». Entre l’inflation et les taux qui plombent l’endettement du pays, Macron va devoir trouver du concret pour calmer le jeu avant la date du 14 juillet qu’il s’est fixée.
Et aussi pour la suite du quinquennat, où, pour les mêmes raisons et avec une austérité qui se dessine, le retour à la paix sociale nécessitera de sa part plus, beaucoup plus, que des discours. Qu’ils soient longs ou qu’ils soient courts.
Erik Emptaz. Le Canard enchaîné. 19/04/2023