Edito de Riss du 19/04/2023

La décision très attendue du Conseil constitutionnel n’a finalement pas changé grand-chose.

La loi sur les retraites a été globalement validée et elle prendra effet dans quelques mois. Forte de cette décision, la Première ministre a aussitôt déclaré que d’autres réformes sont en préparation. Quelles que soient les formes d’opposition qui pourraient apparaître, dans la rue ou à l’Assemblée, elles n’auront aucun effet sur l’action du gouvernement. Le dialogue social est quasiment réduit à néant, et l’exécutif mettra tout en œuvre pour atteindre ses objectifs.

Cette détermination du pouvoir est discutable pour une autre raison : elle est sélective. Aucun état d’âme quand il s’agit de faire bosser les gens quelques années de plus. Mais sur des questions qui mériteraient d’être réglées avec la même fermeté, le gouvernement sait faire preuve de mesure, quand ce n’est pas carrément de réticence. La semaine dernière, Mickaélle Paty, soeur de Samuel, et Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité laïque, ont interpellé le ministre de l’Éducation après sa décision de modifier le fonctionnement du Conseil des sages de la laïcité (CSL) de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (1).

Des modifications qui réduisent considérablement son action, accompagnées de la nomination d’un nouveau conseiller, Alain Policar, universitaire et sociologue, qui n’a jamais caché sa répugnance à l’égard de ce qu’il qualifie de « laïcité répressive, ou de combat ».

Quand on veut liquider une organisation qui dérange, il suffit d’y nommer des personnalités qui lui sont hostiles, et ainsi la faire pourrir de l’intérieur. C’est silencieux et discret, comme les vers qui rongent les poutres d’une charpente, les réduisent lentement en poussière et provoquent l’effondrement de tout l’édifice.

Le combat pour la Laïcité n’aura pas été le fort de ce gouvernement

Le combat pour la laïcité n’aura donc pas été le fort de ce gouvernement, en tout cas pas de son actuel ministre de l’Éducation. Sa détermination à la défendre aura été beaucoup plus faible que celle visant à « faire passer » sa réforme des retraites. Parce que la laïcité emmerde, dérange en dénonçant les communautarismes et l’intégrisme religieux déguisé en identité culturelle. Elle aura toujours en face d’elle des adversaires qui, pour des raisons théologiques ou idéologiques, rêvent de la voir disparaître ou vidée de sa substance.

Pour cela, il faut d’abord la ridiculiser, la marginaliser et lui faire porter la responsabilité de ce qu’elle combat. La laïcité est ainsi qualifiée par ses ennemis de « religion », et même accusée de violence. Curieux de voir ceux qui défendent la place du fait religieux dans la société attribuer à la laïcité, afin de la dénigrer, le qualificatif de « religion ». On n’est pas à une incohérence et à une malhonnêteté intellectuelle près.

Ce n’est pas parce que la laïcité fait moins la « une » des journaux ces derniers temps qu’elle n’est plus un enjeu. Au contraire. La semaine dernière, le tribunal administratif de Toulouse a donné raison à la Région Occitanie pour avoir projeté le 21 octobre 2020 sur la façade des hôtels de Région de Toulouse et de Montpellier des caricatures de Charlie Hebdo, cinq jours après l’assassinat de Samuel Paty.

Le tribunal a débouté de leur demande l’association de Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI) ainsi qu’un avocat koweïtien, en motivant sa décision de la manière suivante : « La diffusion de ces caricatures ne comporte aucune stigmatisation d’une conviction idéologique ou religieuse, mais visait à affirmer les principes de laïcité, de liberté d’expression et de liberté de conscience ».

Pendant que le ministère de l’Éducation torpille le Conseil des sages de la laïcité, de l’Éducation nationale et de la Jeunesse en y faisant entrer des adversaires proclamés de la laïcité, ailleurs, d’autres se battent pour elle et obtiennent des résultats. Ce n’est donc pas uniquement en matière sociale que le gouvernement semble à côté de la plaque. Dans d’autres domaines, comme la laïcité, il reste aussi sourd aux demandes des citoyens. Il faudra pourtant bien un jour que quelqu’un entende ces revendications et les défende avec la même détermination que celle dont fait preuve ce gouvernement pour imposer aux Français des réformes qu’ils ne veulent pas.

RISS


« N’assassinons pas la laïcité ! » de Mickaélle Paty et Jean-Pierre Sakoun (lepoint.fr, 15 avril 2023).