- En trois mois de mobilisation, Emmanuel Macron et son gouvernement n’ont eu de cesse de plaider la légitimité électorale contre celle du mouvement social. Quels problèmes cela pose-t-il ?
Il ne s’agit pas de mettre en question la légitimité électorale, ni de la mettre en balance avec celle de la rue. Pour donner corps à l’idée démocratique, l’élection ne suffit pas – la plupart des régimes autoritaires en tirent aussi leur légitimité –, les conditions d’exercice du pouvoir comptent tout autant.
Une légitimité spécifiquement démocratique comprend en son cœur deux éléments :
- Respecter la volonté populaire
- Agir dans l’intérêt de la majorité.
Or, sur ces deux points, le gouvernement a systématiquement pris le contre-pied d’une démarche démocratique.
En choisissant d’argumenter en termes d’expertise plutôt que de volonté populaire, et en justifiant de faire porter le poids de sa réforme sur les travailleurs pour ne pas augmenter les impôts sur les possédants. Sans compter qu’il utilise massivement la répression contre une mobilisation populaire.
- « Terrorisme intellectuel », attaques contre la Ligue des droits de l’homme (LDH)… Les opposants au gouvernement sont renvoyés à l’ultragauche et à la violence, quels sont les objectifs de cette stratégie et cette situation peut-elle avoir des répercussions sur l’ensemble du champ politique en alimentant la défiance ?
Le danger, c’est que la non-prise en compte de l’existence d’une mobilisation largement majoritaire n’amène les gens à se dire encore davantage que s’engager politiquement, syndicalement, rester un citoyen actif ne sert à rien.
C’est en cela que l’exécutif joue avec le feu et se présente comme un adversaire de la démocratie. Comme cette apathie a préparé et concocte le recours aux solutions les plus autoritaires.
Macron en est pour l’heure l’incarnation, mais il est tout à fait possible, demain, qu’un pouvoir encore plus autoritaire réussisse à s’imposer sans rencontrer d’opposition citoyenne, celle-ci ayant été préalablement affaiblie.
« Le gouvernement peut prétendre refermer cette séquence mais il n’est pas du tout certain que le reste du pays accepte de passer à autre chose »
- L’ouverture d’autres « chantiers », comme le travail, la santé ou l’éducation, sont annoncés pour tourner la page de la réforme des retraites. Cela a-t-il une chance de fonctionner ?
Concrètement, le système français a besoin pour fonctionner démocratiquement des syndicats, des partis d’opposition, des citoyens. Le gouvernement peut prétendre refermer cette séquence, mais il n’est pas du tout certain que le reste du pays accepte de passer à autre chose.
Si tel est le cas, l’exécutif se retrouverait à gouverner de plus en plus seul, et de plus en plus à distance du pays qu’il a pourtant pour charge de représenter.
Propos recueillis par Julia Hamlaoui. Source (Extraits)
Voilà un excellent jugement, sans appel, de quelque bord politique que l’on soit, hormis le macronisme bien sûr…