Pôvres Bollo !

Le milliardaire n’en a pas fini avec ses batteries.

Un an après l’incendie de deux d’entre elles en plein Paris, les bus de la RATP qui en sont équipés sont toujours au garage. Mais Bolloré pensait au moins s’être débarrassé de toutes celles qui alimentaient ses Autolib’, ces bagnoles électriques qui avaient fait les beaux jours de l’autopartage dans la capitale, ainsi qu’à Bordeaux et à Lyon, entre 2011 et 2018.

Les 2 860 véhicules retirés du service ont été vendus à la société MyCar, sans contrôle technique et sans garantie contractuelle, fin 2018. 1 207 ont été classés « non roulants » et 1 657 « roulants ». MyCar, qui les avait achetés 350 euros pièce hors taxes, a refourgué les « roulants » dix fois plus cher à trois garages, lesquels les ont cédés à des particuliers contre la modique somme de 5 200 euros TTC, en moyenne. Une belle culbute, mais pas pour tout le monde.

Parmi les acheteurs, plusieurs dizaines ont eu le désagrément de constater, quelques mois après leur achat, que leur Autolib’ tombait en panne. Elle ne prenait plus la charge, ne démarrait plus. Chaque fois, le même problème de batterie, estampillé « défaut 4.8 ». En clair, le système qui pilote les lignes de chauffe et de résistance de la batterie pour maintenir sa température entre 60 et 80 °C – indispensable à son fonctionnement – est foutu.

Résultat : il faut changer l’ensemble de cette grosse pile LMP (lithium métal polymère), et cela coûte plus de 4 200 euros. A quoi s’ajoutent des frais de remise en route qui sont estimés entre 1 200 et 1 500 euros. Bilan : 5 700 euros de réparation pour un véhicule acheté 5 000 ! Si le client n’est pas content, le garage lui facture 12,50 euros par jour de frais de parking. Qui dit mieux ?

L’expert et ses « désordres »

Les victimes de ces avaries, qui souvent ont pris une extension de garantie, se sont bien sûr tournées vers leur assureur, qui leur a expliqué que ce dommage n’était pas pris en compte. On se demande bien pourquoi. Elles ont donc fini par porter plainte. Un expert a été mandaté. Son diagnostic est sans appel : « L’origine des désordres provient d’un défaut de conception des packs batteries. » La preuve, « le constructeur a modifié leur conception, et, depuis, les désordres ont disparu ».

La faute, donc, à Bolloré et non aux particuliers qui auraient mal utilisé ou entretenu leur auto. Les revendeurs sont aussi absous, qui « ne pouvaient déceler l’origine des désordres pour pouvoir y remédier et vendre ces véhicules en garantissant leur bon fonctionnement ». Conclusion de l’expert : les particuliers peuvent se retourner contre les garages, les garages contre MyCar, et MyCar contre Bolloré. A lui de payer la facture finale.

Mais ce serait trop simple : le fabricant et concepteur des batteries n’a pas collaboré aux expertises et n’entend pas, pour l’heure, régler la douloureuse. 6 400 euros d’indemnisation en moyenne, multipliés par 50 propriétaires de guimbardes défectueuses (identifiés à ce jour), cela fait 320 000 euros. Une paille, pourtant, à l’échelle des 300 millions d’euros que Bolloré a réclamés aux collectivités locales pour le dédommager de l’arrêt d’Autolib’.


Jean Michel Thénard. Le Canard enchaîné. 05/04/2023


2 réflexions sur “Pôvres Bollo !

  1. bernarddominik 09/04/2023 / 18h33

    Des bandits

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