ARM sur la sellette

« Sur 100 appels au 15, il y a celui à ne pas louper »

Le nombre d’appels au 15 explose en France. Au bout du fil, les Assistants de Régulation Médicale (ARM), réunis à Lyon, s’interrogent sur l’avenir de leur métier. Ils gèrent surtout de la médecine de ville et manquent d’effectifs.

La première qualité d’un assistant de régulation médicale (ARM), c’est l’adaptabilité ! » Face aux évolutions de leur métier, les anciens envoient un message optimiste mais ce futur ARM avoue sortir un peu « plombé » de la 12ᵉ Rencontre annuelle de l’Union nationale des ARM qui s’est tenue à Lyon cette semaine. Premiers répondants au « 15 », les ARM se plaignent d’être méconnus de la population et non reconnus par leurs tutelles : considérés comme des personnels administratifs, ils attendent la reconnaissance comme profession médicale, envisagée par la loi Rist.

« J’ai l’impression de faire de l’abattage »

S’ils sont de plus en plus sollicités – entre 2017 et 2021, le nombre d’appels au 15 est passé de 30 à 60 millions en France – la proportion d’urgence vitale reste inchangée : 1 %. Mais, selon l’UNARM, l’aide médicale urgente est passée au fil des années de 60 % de l’activité à seulement 20 % contre 80 % consacrée aux soins de ville. « Les gens consomment du 15 comme ils consomment des Kleenex® », esti­me le D Nicolas Decrouy, responsable du Cesu 71. « J’ai déjà entendu « vous arrivez moins vite qu’Amazon » ou « l’ambulance n’est pas arrivée dans l’heure, vous allez me la rembourser ! » », raconte Annie Meunier, ARM au Samu 73.

Au Samu 38, Marine Schmitt constate que « le métier a énormément changé » avec la mise en place du SAS, ce service de régulation des soins non programmés en ville, qui sera dé­ployé partout en France d’ici la fin de l’année. « Avec le SAS, j’ai l’impression de faire de l’abatta­ge », déplore-t-elle. Au poste de premier décrocheur, elle déplore de devoir « couper la parole aux gens » pour demander leur nom, leur téléphone, etc. « Je trouve cela très violent avec les personnes âgées… Moi, dans ma formation, on me disait que la première phrase était la plus importante », regrette cette ARM en poste depuis neuf ans. « Dans 99 % des cas, on a le sentiment qu’il n’y a pas de plus-value à notre métier mais dans 100 appels, il y a celui qu’il ne faut pas louper : notre métier, il est là », souligne Patrice Beauvilain.

« Manque de bienveillance »

Après le décès d’une patiente raillée par une ARM du Samu de Strasbourg, en décembre 2017, des centres de formation (Cfarm) ont été créés pour dispenser une formation de dix mois, alternant théorie et prati­que, au lieu d’un tutorat de deux mois existant jusque-là. Ils seront 19 en janvier 2024 mais ne font pas le plein. Et, les élèves constatent que tous les Samu n’ont pas mis en place les moyens de les accueillir en stage. Ancien directeur de supérette, Nicolas Perrusset, 46 ans, s’est inscrit au Cfarm de Dijon, après avoir découvert l’existence de ce métier sur le site duBienpublic : « Je me suis reconnu dans les qualités demandées : bienveillance, rigueur, travail en équipe. » Mais, comme ses sept collègues de la promotion Solutré, il a été « choqué par un manque de bienveillance de la part de certains ARM et médecins ». « Parfois on est six et on se retrouve avec sept stagiaires », déplorent des ARM pointant le manque de temps pour former des stagiaires. Et d’effectifs. Selon l’Unarm, il manque entre 850 à 1 200 ARM : un déficit qui ne permet pas de remplir les critères de sécurité définis par la Haute autorité de santé.

L’intelligence artificielle capable d’identifier l’urgence médicale ?

Comme d’autres professionnels, les assistants de régulation médicale (ARM) s’interrogent : l’intelligence artificielle (IA) sera-t-elle capable un jour de distinguer l’urgence médicale de la bobologie et ainsi remplacer l’humain ?

Patrice Beauvilain n’y croit pas : « L’IA n’est pas capable de réfléchir, d’avoir des émotions, pas d’avoir une conversation pour aller chercher une info. »

En illustration de son propos, Annie Meunier, ARM au Samu 73, raconte l’histoire de cette dame appelant pour connaître le médecin de garde car son mari avait « un rhume de cerveau ». L’ARM décide de creuser : « Vous voulez me dire quoi par rhume de cerveau ? » Et la dame d’expliquer, au fil de la conversation, que son mari a utilisé un « pshitt-pshitt » dans la bouche car il avait mal à la poitrine. Il sera finalement hospitalisé en soins intensifs de cardiologie. « Parfois il n’y a rien dans ce qui est décrit mais on ne le « sent pas », explique une autre ARM. On ne sait pas dire pourquoi mais on le signale au médecin… et c’est rare qu’on se trompe et qu’un SMUR ne soit pas envoyé sur ces cas-là. »


Sylvie Montaron. Le Dauphiné Libéré. 08/04/2023


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