(Ligue des droits de l’homme), vise et dénigre davantage qu’un symbole : l’association est une réalité démocratique vivace au long du XXᵉ siècle, à tous les stades où l’honneur fit défaut, où la légalité chancela, où la raison politique s’évanouit.
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En 1898, la fondation de la Ligue des droits de l’homme répond à un événement hors norme, l’affaire Dreyfus, en faisant surgir une figure française singulière : l’intellectuel engagé, dont la fonction critique consiste à défier l’arbitraire et l’intolérance des puissances en place comme des pouvoirs établis.
Dans le sillage du « J’accuse » de Zola (L’Aurore du 13 janvier 1898), il faut un certain courage, civique, moral et politique, pour oser s’opposer à « l’arche sainte » de la République : l’armée française.
Le 4 juin 1898, date de l’assemblée générale constitutive de la Ligue, nous sommes avant les aveux du colonel Henry (auteur du faux ayant entraîné la condamnation du capitaine Dreyfus) et avant Les Preuves (le libelle irréfutable de Jean Jaurès).
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Dans une logique de contre-pouvoir, la Ligue, dès son premier manifeste du 4 juillet 1898, élargit son action « à toute personne dont la liberté serait menacée ou dont le droit serait violé ». Ainsi s’impose-t-elle, sans délai, en cauchemar des adeptes de tout poil de l’abus de pouvoir. Six mois après sa création, les conseils juridiques qu’elle a mis sur pied ont déjà examiné une centaine de dossiers. L’année 1899 triplera leur nombre.
Déjà fermente une dénonciation arborescente des iniquités politiques mais aussi sociales, alors que Ludovic Trarieux envisageait la Ligue comme un barrage contre le seul nationalisme, aux accents monarchistes, sapant les fondements encore mal assurés de la République.
Ne plus seulement maintenir les droits existants, mais établir des droits nouveaux. Tel est le tournant qu’assume, à partir de 1903, le deuxième président, Francis de Pressensé, journaliste entré en politique. Il élargit la lutte « pour les droits de peuples opprimés » et souligne son « attention à tous les problèmes posés par la colonisation ».
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Cette tension entre la LDH et un pouvoir déboussolé au point de s’avérer perdu pour l’intelligence, on devait la retrouver au moment de la guerre d’Algérie. Sous la présidence de Daniel Mayer, la dénonciation des camps d’internement et de la torture allait défier un pouvoir gaulliste considéré comme procédant de l’extrême droite, à la faveur d’un coup d’État légalisé.
Le 13 mai 1958, Charles de Gaulle était en effet « revenu aux affaires » en forçant la main du régime : c’est moi, ou les putschistes de l’Algérie française prêts à débarquer. Toutefois, le fondateur de la Ve République ne fut pas le suppôt fasciste annoncé, mais en définitive un brise-lames démocrate.
Soixante-cinq ans plus tard, voici donc la LDH dans le collimateur d’un pouvoir qui se présente comme une digue – mais qui se révèle passerelle – face au lepénisme. Le baromètre politique français ne se trompe jamais : quand l’exécutif s’en prend à la Ligue des droits de l’homme, l’avis de tempête politique est là.
Antoine Perraud. Médiapart. Source (très courts extraits)
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire l’intégralité de cet excédent article sur le blog de Médiapart. MC