Grange

Les Granges n’ont pas d’adresse. Pas de numéro affecté à leur angle.

Pas de nom d’impasse à l’entrée du sentier. Elles sont isolées de la parole. Du lieu-dit. Elles disent le lieu en traversant l’histoire des hommes. Accroche les nuages chargés de mots

Je suis à l’entrée d’une voie sans nom et d’un jardin sans clôture.

Les granges abandonnées aux nous allions enfants nous regardent encore de l’autre côté de la vallée, dans les yeux béants de leurs deux portes charretieres. Aujourd’hui toujours vides, elles gardent les ombres des murs où l’on se cachait à la fin du jour

Les derniers ballots de paille oublier qui nous servaient de siège attendent dans ce retrait du temps, la fin d’une pluie de juillet. J’observe sans me lasser, la joubarde des chéneaux et le filet d’eau continue dans les jointures rouillées des descentes pluviales.

[…]

La grange était le lieu de la contemplation d’un ailleurs où je me trouvais. Un instant préservé qui ne tenait que par des planches

Dans le retrait des granges demeurent autant de mots que de visages défaits. Nous n’apportions aucune lampe dans la journée. Les vrais rendez-vous étaient dans le silence des arbres qui dominaient les granges. Autour, on voyait, en montant le matin, plusieurs de ces masses sombres en bordure de chemin. Elles nous saisissaient à la sortie des brumes de la vallée, autant que par leur bâti sévère que par l’espace entre elles, ne sachant à qui appartenaient ces autres lieux.


Christian Sapin. Recueil « Dans le retrait des granges ». Extraits. Éd. Cheyne. Devesset (07)


Photo MC – Reproduction interdite – Collection personnelle.


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