Un « en même temps » orageux

Comme souvent par gros temps, Macron nous ressert son « en même temps ».

Il ressort aussi ses paradoxes en guise de parapluie. Ainsi, alors que pas loin de 70 % du pays se dit toujours plus qu’hostile à sa réforme des retraites et cache de moins en moins son exécration, il prétend « calmer les colères ». Comment ? Sans rien céder sur les revendications. C’est comme si c’était fait.

Et, quand le leader de la CFDT, Laurent Berger, propose de mettre momentanément le texte controversé « sur pause », Macron rétorque que « pause voudrait dire retrait ». Tout en campant, immobile, sur ses positions, il parle en même temps de « tenir » et d’« avancer », ce qui est à la fois un rien casse-gueule et compliqué.

D’autant que, quand le même Berger réitère en parlant de mettre en place « une médiation » pour trouver « une voie de sortie », le porte-parole du gouvernement lui rétorque aussitôt : « Pas besoin de médiation » et ajoute que « la Première ministre se tient à la disposition des syndicats » et que Macron ne les recevra pas avant la mi-avril, quand le Conseil constitutionnel aura, ou pas, validé la loi.

Ce qui revient à dire que, si la réponse, comme Macron veut le croire, est positive, la discussion risque d’être superflue. Car, s’il s’affirme prêt à « renouer » avec les syndicats un dialogue qui ne s’est jamais vraiment noué, le locataire de l’Elysée continue, pour l’immédiat, de faire répéter qu’il ne changera rien à sa loi, tout en continuant de parler de tendre la main aux syndicats.

Voilà un « en même temps » qui ira sûrement droit au cœur de Martinez, de la CGT, avant que l’on connaisse, à la fin de cette semaine, le nom de celle ou de celui qui va lui succéder. Lui qui accusait encore la semaine dernière Macron de leur « marcher dessus » va, à n’en pas douter, apprécier cette main tendue, après le pied. Tout comme cette invitation à aller voir Elisabeth Borne, alors qu’elle est très occupée.

Après avoir publiquement renoncé à son arme favorite, le 49.3, celle-ci est aussi entrée dans le paradoxe et le « en même temps » compliqué : celui qui consiste, avec son renoncement annoncé au 49.3, à reconnaître implicitement qu’elle en a abusé et, du même coup, à s’en priver. Ce qui, pour la suite, vu ses difficultés à « élargir » une majorité toujours insuffisante, la privera d’un instrument dont l’exécutif risque fort, sauf à se condamner à l’immobilisme, d’avoir de nouveau besoin. D’où la nécessité pour elle de marteler qu’elle va « bâtir des majorités », vaste programme !

En attendant, son patron Macron, tout en étant accusé par ses nombreux détracteurs, mais aussi par une partie de ses électeurs, d’être, avec sa réforme des retraites, le fauteur des désordres, se voit, lui, en garant de l’ordre. Il mise sur la peur de la chienlit, qu’il attribue aux « activistes prêts à tuer pour des bassines » ou à LFI, « qui veut délégitimer les tenants de l’ordre républicain », et fait tonner toute la Macronie sur ce registre.

A la veille de la manif d’hier, il a aussi lancé, martial : « Demain sera difficile. » Il se pourrait, en même temps, que la prédiction reste valable pour un moment.


Erik Emptaz. Le Canard enchaîné. 29/03/2023


Une réflexion sur “Un « en même temps » orageux

  1. bernarddominik 31/03/2023 / 10h33

    Macron a pour lui la légitimité de la constitution et une majorité relative au parlement grâce aux LR. Il n’a aucune obligation de lâcher du lest. Berger est dans le raisonnable par rapport à une opinion publique remontée contre Macron. Mais le problème subsiste aucun ne propose de réforme pérenne, l’un dans l’espoir de pousser les hauts revenus vers les fonds de pension, les autres par peur de la réaction de leurs affidés. Donc on reste sur l’obligation de repartir en crise tous les 5 ans. A 64 ans on est pas vieux, désolé de contredire certains. La France est elle insoutenable? Je crois surtout que les français ne sont pas bons en calcul.

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