L’anthropologue Delphine Corteel (1) nous rappelle l’image négative autour des éboueurs, leurs invisibilités pourtant rouage essentiel de notre société qui, par leur grève, nous mettent face à notre consommation de masse.
- Charlie Hebdo : Qu’est-ce que nous révèle la grève des éboueurs sur notre façon de jeter ?
Delphine Corteel : Les déchets sont l’envers et le revers de la société de consommation de masse. Ils n’ont pas toujours existé, ou du moins, pas dans ces proportions-là. Avant le XIXᵉ siècle, régnait une économie de la récupération. Les matières rebuts étaient utilisées pour fabriquer autre chose : le chiffon servait à faire du papier, les déchets organiques étaient utilisés dans les champs…
Tout le système fonctionnait sur les matières premières secondaires. À partir des années 1800, des innovations ont entraîné une modification profonde qui a rendu inutile toutes ces choses que l’on réutilisait ; on a, par exemple inventé la pâte à papier et les engrais chimiques. À la même époque, le préfet Poubelle a conduit les Parisiens à réunir leurs déchets, sans trier, ce qui a rendu inutilisable tout ce qui aurait pu resservir.
Certes, tout corps qui vit produit des déchets : les déjections, la transpiration, les morceaux de peau qui s’en vont et les poils qui tombent. Mais, depuis la Seconde Guerre mondiale, la société de consommation de masse produit une quantité massive de déchets qui ne cesse de croître, de plus en plus longs à se dégrader ; cela va du plastique aux déchets nucléaires. Pour continuer à consommer, il faut écouler nos déchets et les faire disparaître.
Avec la grève, on réalise le volume d’ordures que l’on produit chaque jour et qui d’habitude disparaissent comme par enchantement. Ils s’entassent et c’est vertigineux.
- Quel rôle joue les éboueurs dans cette machine ?
D.C : Les éboueurs sont le rouage incontournable du système de consommation : les déchets doivent être cachés pour que l’ordre soit maintenu, que l’on continue à produire, et donc à consommer ; qu’il y ait une fluidité dans le fonctionnement général. Les éboueurs ont vocation à ne pas être vus, parce qu’ils interviennent tôt le matin, et parce que le fruit de leur travail semble invisible : la rue est balayée, la poubelle ramassée, on ne voit pas les ordures. On les aperçoit seulement quand ils dérangent : quand le camion poubelle bloque une rue et perturbe la fluidité des déplacements urbains, par exemple. Leur travail est essentiel, mais personne ne veut mettre son nez dans la poubelle… ni voir ceux qui nous en débarrassent.
Personne n’a envie que ses enfants soient éboueurs et ce n’est pas lié à la difficulté des conditions de travail : c’est lié à la mauvaise réputation d’un métier considéré comme sale.
[…]
- Bernard de la Villardière a dit : « Personne n’est obligé d’être éboueur toute sa vie. »
D.C : Cette phrase est honteuse quand on considère les règles sociologiques et les inégalités de départ dans la vie. Pour la plupart des éboueurs, ce métier n’est jamais un premier choix. Il y a des personnes non diplômées et des migrants qui n’ont pas eu la possibilité de faire des études, ou n’ont pu trouver un autre travail. Ils ont souvent vécu un, voire deux ou trois licenciements, et sont prêts à tout pour trouver une certaine stabilité dans la vie.
En revanche, je me suis aperçu dans mes études qu’être éboueur est pour eux une décision très acceptable. À Paris par exemple, cela signifie être fonctionnaire. Pour des personnes qui viennent des classes populaires, cela permet de ne pas être ouvrier. Ce métier sécurise la situation des personnes les plus précaires. […]
- Le tri sélectif n’a-t-il pas fait évoluer notre rapport aux déchets ?
D.C : Il n’y a pas de « zéro déchet », du moins, pas dans le système qui est le nôtre. […] « l’écocitoyenneté » a surtout pour effet d’individualiser une problématique collective : on fait peser sur les individus la responsabilité de trier, la responsabilité de jeter, sans réellement remettre en question un système de production de masse. […]
Coline Renault Charlie hebdo Web. Source (extraits)
- L’anthropologue Delphine Corteel, maître de conférences à l’Université de Reims et auteur du livre « Les travailleurs des déchets » (Erès, 2011).
Dans le village de mes grands parents, il y a une soixantaine d’années il n’y avait pas de ramassage des ordures, presque tout le monde avait un jardin quelques poules et tous les déchets organiques y passaient. Mon grand père redressait les vieux clous, tout métal était réutilisé, il n’y avait pas de plastique et les sachets de papiers passaient à allumer la cuisinière. J’ai découvert les éboueurs quand je suis allé habiter dans une ville.
Pourquoi Bernard, t’entêtes-tu à comparer passé et présent ?
Ce ne sont que de souvenirs et enfants et petits-enfants se moquent bien de ce que tu pourras leur raconter, ils ne peuvent l’imaginer.
la réalité est que nous avons tous, TOUS, TOUS accepter l’évolution de la société.
Qui aujourd’hui ça passerait d’un réfrigérateur, d’une machine à laver le linge, la vaisselle, d’un micro-onde, d’un aspirateur, d’une télévision (ou de plusieurs dans chaque pièce), de Smartphones, d’ordinateur-s, etc.
Qui couperait les journaux en petits carrés pour utilisation dans les toilettes à la place de ces rouleaux de papier Q, se passera des essuie-tout, des lingettes démaquillantes, des couches pour bébé ou grabataire, etc.
je revois encore ma grand-mère m’expliquant l’avantage de l’évolution de la société. Elle avait commencé à travailler à 13 ans, sa famille habitait une de ses banlieues proches de Paris (7 km), les journées étaient bien remplies et lorsqu’elle partait, comme lorsqu’elle rentrait de son travail, c’était souvent de nuit qu’il fallait marcher dans les rues sombres, le transport collectif attelé à des chevaux était trop cher pour la famille.
Elle put constatée le progrès lorsque dans les rues parisiennes, fleurir les becs de gaz qui donnaient, une lueur parcimonieuse, certes, mais offrait des points de lumière dans les rue si sombres.
Décédée en 1982, outre avoir connue 2 guerres mondiales, elle aura apprécié bien des développements. La radio, l’automobile, le cinéma, le téléphone, la photographie, la télévision, l’aviation, la métropolitain, l’expansion de « la fée électricité », tous les ustensiles ménagers, et surtout pour elle, la plus grande plaie de la société salariale, le crédit la consommation, etc.
Nous, notre génération du XXIᵉ siècle, qu’allons-nous léguer à nos enfants, petits-enfants ?
Amitiés
Michel
Je n’ai ni télévision, ni smartphone, ni lave-vaisselle, ni micro ondes, ni machine à café, .. il y a beaucoup de choses dont nous pouvons nous passer, mais la plupart ne le veulent pas.
Oui Anne-Marie, en grande partie d’accord, mais comment faire ses courses lorsque le premier village pourvu est à 7 km et qu’il n’y a pas de desserte possible en dehors d’un véhicule perso… par exemple
Le progrès, dans le domaine ménager, a toutefois apporté un indéniable confort.
Très amicalement
Michel