Le fiasco judiciaire de Viry-Châtillon…

… l’enquête sur les innocents mis en taule est au point mort.

Opération enfouissement pour l’un des plus gros échecs policiers et judiciaires de ces dernières années ! En mai 2021, la justice est saisie de quatre plaintes pour falsification de preuves visant des flics chargés de l’enquête dite « des policiers brûlés » à Viry-Châtillon, dans l’Essonne, en 2016. Depuis, les juges d’instruction qui se succèdent se refilent la patate chaude.

Or les actuels magistrats chargés du dossier viennent de recevoir une expertise sans appel, confirmant en tous points ce qui avait été découvert, à l’époque, par les avocats à l’origine de la plainte des poulets ont bel et bien tronqué et manipulé des procès-verbaux de gardes à vue en 2016. Huit innocents sont allés en prison – certains y sont restés quatre ans ! alors que plusieurs apprentis tueurs de flics n’ont pas été retrouvés. Résultat ? Rien ne bouge.

Procès-verbaux bidouillés

Rappel des faits. Le 8 octobre 2016, à coups de barre de fer et de cocktails Molotov, deux voitures de police de la sûreté départementale sont attaquées par une vingtaine de jeunes dans le quartier de la Grande-Borne, entre Viry-Châtillon et Grigny. Deux policiers sont gravement brûlés. Arrivé sur place, le Premier ministre, Manuel Valls, souligne que, « quand on s’attaque à des policiers (…) , on s’attaque tout simplement à la France ». Trois mois après, tout est bouclé : 13 gamins sont écroués. En première instance, l’avocat général requiert des peines de vingt à trente ans contre les accusés, pour « tentative de meurtre en bande organisée commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ». Las ! faute de preuves, 5 des 13 accusés sont acquittés en 2019. En appel, deux ans plus tard, 3 autres seront finalement disculpés… Et pour cause : entre les deux procédures, les vidéos des gardes à vue, visionnées par les avocats de la défense, ont révélé que certains PV avaient été totalement arrangés par les flics (Mediapart, 16/5/21).

Quatre ans de taule pour rien

En mai 2021, les avocates Yaël Scemama et Sarah Mauger-Poliak, notamment, déposent une plainte contre les enquêteurs pour « faux en écriture publique, violences volontaires et escroquerie au jugement ». Le parquet de Créteil se saisit du dossier et ouvre une information judiciaire en juillet 2021. L’affaire est donc prise au sérieux ! Puis… toujours rien.

Cinq mois plus tard, une juge d’instruction demande que les retranscriptions des PV de garde à vue réalisées par les avocats soient expertisées, vidéos à l’appui – ce qui retarde la mise en examen de policiers.

Le 27 février dernier, les victimes croient voir enfin le bout du tunnel : les experts concluent que les retranscriptions sont bien « intègres » . Il aura fallu à ces génies de la transcription plus d’un an de boulot pour le certifier… Depuis, aucune poursuite contre les poulets bidouilleurs.

Les avocats mènent une seconde bataille : faire indemniser leurs clients innocents pour les jours passés en taule : 1 500 jours pour l’un, 500 pour un autre, etc. Le procès aura lieu au début d’avril. L’agent de l’État chargé des indemnisations et le procureur général chipotent déjà sur les sommes à verser pour compenser le préjudice moral et matériel.

Dernière farce : l’Inspection générale de la police nationale, saisie par l’avocat d’un accusé le 6 avril 2021, ne s’est toujours pas manifestée. Contactée par « Le Canard », elle n’a pas souhaité s’exprimer.

Une autre procédure en cours d’enfouissement ?


Marine Babonneau. Le Canard enchaîné. 22/03/2023


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