… dénoncer le faux IA… ça devient possible… oui mais qui garantira l’info dans quelques années ?
C’est l’étudiant le plus performant de l’année. En novembre, lors de sa présentation officielle, ChatGPT rendait en un claquement de doigts un devoir de géographie du niveau de terminale (fautes comprises). Quatre mois plus tard, il passe avec succès l’examen du barreau aux États-Unis, se classant dans le peloton de tête des meilleurs candidats.
Des progrès fulgurants qui annoncent d’autres bonds à court terme pour « l’agent conversationnel » qui laisse bouche bée les stars de la Silicon Valley.
Présenté mardi dernier, le petit dernier de la lignée, GPT-4, a encore accéléré : brassant désormais des milliards d’images et plus seulement des textes, il peut vous coder une appli sur mesure ou proposer une recette ad hoc sur simple photo du contenu de votre frigo. Son intelligence a beau être artificielle, sa vitesse d’exécution est bien réelle : quelqu’un parvient-il à suivre ?
Pas l’Éducation nationale, qui n’a pas anticipé les effets de cette révolution de la connaissance sur les apprentissages et… la correction des copies. Le secteur de la santé ne semble pas avoir pris toute la mesure, non plus, du tsunami en cours. Mais ce sont surtout les responsables politiques qui pèchent par attentisme.
Le temps du politique n’a certes jamais été celui des grandes bascules technologiques, et la mise en place du RGPD (règlement pour la protection des données) en Europe a prouvé la capacité des institutions à contrer les excès de cette révolution; mais l’opacité des logiciels, les biais des algorithmes et les risques d’erreurs, tous bien réels, devraient nous alerter. Et faire l’objet d’une réflexion collective et de propositions concrètes sur une technologie, dit-on, appelée à changer le monde aussi radicalement que la révolution industrielle — en mille fois plus vite
Olivier Pascal Moussellard. Télérama n° 3819. 25/31 mars 2023
Compilatio, société basée à Chavanod (France), développe actuellement un logiciel pour déceler les textes réalisés par les intelligences artificielles. Celle qui anime ChatGPT est la principale cible, car particulièrement puissante et inquiétante pour le monde enseignant.
ChatGPT. L’agent conversationnel informatique développé avec l’intelligence artificielle (IA) par l’entreprise américaine OpenAl intrigue, amuse et effraie depuis novembre dernier. D’une simple demande écrite, vous pouvez demander à ce « chatbot » une simple information, de vous sortir une recette et même de vous écrire une thèse de plusieurs milliers de signes sur la guerre du Péloponnèse. Forcément, cela fait peur aux enseignants.
Cela tombe bien pour Compilatio, la compagnie haut-savoyarde est spécialisée depuis 2005 dans la conception de logiciels et de solutions pour détecter les plagiats. Et donc identifier la triche. Et la quatrième version – ChatGPT-4, lancée mardi 14 mars – ne devrait pas contrecarrer les plans bien avancés du président Frédéric Agnès.
Le logiciel devrait être commercialisé dans trois mois
« Les premiers tests faits de notre système marchent bien, confie-t-il. Le passage de la version 3.5 de ChatGPT à la numéro 4 n’a même pas changé la fiabilité de nos résultats. » Aujourd’hui, un démonstrateur est disponible sur le site internet de Compilatio. « Il définit si un texte est d’origine humaine ou d’IA. L’objectif final est de différencier les passages. Le logiciel devrait être finalisé pour la première moitié 2023. »
L’attente des utilisateurs serait forte. « ChatGPT a amené un changement de comportement très rapide, expose le fondateur de Compilatio. L’adoption a été prompte et forte chez les élèves. On essaye donc de s’arracher et on a réussi la première étape du processus : montrer qu’il est possible de détecter la triche via HA. »
Un processus essentiel d’accompagnement des clients
Cette forte demande devrait aider l’entreprise à poursuivre son développement. « Nous avons une croissance d’environ 15 % par an, près de 1 000 établissements sont équipés par nos services et nous sommes établis dans plus de 40 pays. » La société, qui compte 32 collaborateurs, base son succès sur un important accompagnement des clients. « Nous les appelons trois mois après le début de notre collaboration, puis aux sixième et neuvième mois, cela pour créer de bonnes conditions de lutte contre la triche. Nous avons donc pu constater que toutes les personnes concernées s’intéressent au développement de notre nouveau système contre ChatGPT. »
« je suis un entrepreneur heureux ! »
Dix-huit ans après sa création, Compilatio revient dans la lumière. Pas de quoi faire peur au président : « On avait déjà vécu cela au début. À l’époque, on ne se doutait pas que le copier-coller était autant utilisé. Nous n’étions que trois et ça encourage quand on nous dit: « C’est chouette ce que vous faites ». Je suis un entrepreneur heureux ! »
Et si de l’extérieur ChatGPT peut faire figure d’ennemi de Compilatio, Frédéric Agnès affirme n’avoir « rien contre le contenu robot. Mais la sensibilisation et la transparence sur la provenance des textes sont importantes. »
Le « chatbot » devrait même enrichir un autre projet de l’entreprise hat-savoyarde : Submary. Cet outil en développement depuis trois-quatre ans permettra de raccourcir un texte en gardant ses phrases essentielles. ChatGPT y serait ajouté pour proposer un petit résumé alternatif.
Théo Duchet. Le Dauphiné Libéré. 25/03/2023