… jouent l’indépendances vis-à-vis de la Russie de Poutine
Caucase: une liberté dépendante de la Russie
Les manifestations de Tbilissi la semaine dernière ont laissé un constat : si le pouvoir ne veut pas froisser Moscou, les Géorgiens ont, eux, les yeux tournés vers l’Occident. Mais la Géorgie, comme son voisin arménien, se heurte à sa dépendance à la Russie.
Dans les rues de la capitale géorgienne, les manifestants sont rentrés chez eux. Leur gouvernement a finalement annoncé, le 9 mars, retirer une loi sur les agents étrangers, largement inspirée d’une loi russe qui prévoit que les organisations médiatiques ou les ONG recevant plus de 20 % de leur financement de l’étranger soient obligées de s’enregistrer en tant qu’agents de l’étranger ».
Mais plus que ce projet, c’est contre l’influence russe que les Géorgiens s’insurgent. « Une majorité soutient l’intégration européenne, donc cette loi, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », explique Viatcheslav Avioutskii, spécialiste des relations internationales et auteur de Géopolitique du Caucase.
Le pouvoir géorgien lié à un oligarque
Mais comment la Géorgie, qui a connu la guerre contre la Russie en 2008, avec un homme ouvertement pro-européen (Mikheil Saakachvili) au pouvoir, se retrouve 15 ans plus tard à promulguer une loi « pro-russe » ?
Tout est l’oeuvre d’un homme : Bidzina Ivanichvili. L’oligarque multimilliardaire pro-russe a créé un mouvement politique baptisé le Rêve géorgien, aujourd’hui au pouvoir, tout en rendant discrète l’opposition (l’ancien président est aujourd’hui emprisonné et sa vie serait menacée). Et si l’homme de 67 ans n’occupe pas de fonction officielle, il a joué de son influence pour placer des proches à des postes importants.
Dans le Caucase, se défaire de la Russie n’a donc rien de simple. L’Arménie en sait quelque chose. En conflit ouvert avec l’Azerbaïdjan depuis des dizaines d’années, Erevan est contraint de s’appuyer sur Moscou pour résister. « De manière générale, les pays du Caucase sont toujours dans l’orbite de la Russie », insiste Taline Ter Minassian, directrice de l’Observatoire des États post-soviétiques. Aujourd’hui, l’Arménie ne peut pas gérer seule le conflit autour du Haut-Karabagh (lire ci-dessous), et la Russie a donc été envoyée dans la région pour empêcher l’escalade. Et même si l’implication réelle de Moscou est parfois pointée du doigt, la critique ne serait que de façade. « Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien, est dans une position fragile. En Arménie, il s’occupe de son opinion publique en critiquant les Russes. Mais devant Poutine, il est très courtois, parce qu’il sait que son pays est dépendant à 100 % de la Russie », poursuit la chercheuse.
« Entre-deux chaises »
Voilà tout le problème de cette politique « d’entre-deux chaises », comme l’appelle Viatcheslav Avioutskii : « La population veut s’émanciper, mais la Géorgie et l’Arménie sont toujours très liées à la Russie avec le gaz ou le tourisme, par exemple. » Une dépendance dont la région veut se défaire petit à petit, consciente de l’incertitude que représente la proximité avec ce « voisin violent et imprévisible ».
La Géorgie, elle, est pour l’heure épargnée par la guerre. Mais les conflits de 2008, qui ont conduit à la perte de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, ont marqué une génération « de Géorgiens nés après l’Union soviétique, qui n’ont jamais appris le russe à l’école » selon lesquels « le rêve européen, c’est un vecteur de changements », assure Viatcheslav Avioutskii. De quoi considérer, ainsi que l’a fait l’Union européenne, le projet de « loi russe » comme un inacceptable retour dans le passé.
La situation toujours préoccupante du Haut-Karabagh
Depuis le 12 décembre et la mise en place du blocus, le Haut-Karabagh est encore plus isolé que d’habitude. Théâtre de violents affrontements entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis des années, la région est revendiquée par le premier, mais Bakou refuse de lâcher ce territoire enclavé. Le transport des malades, tout comme la livraison de provisions et de médicaments, est devenu particulièrement compliqué et les soldats russes, censés garantir la sécurité du corridor, sont ouvertement critiqués par l’Arménie. Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a dit jeudi s’attendre, à terme, à « un nettoyage ethnique et un génocide du peuple du Haut-Karabagh ». Moscou, allié historique de l’Arménie, a répondu que « les casques bleus […] font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher l’escalade ». Mais la perspective d’un retour des combats est de plus en plus forte. Cela serait un nouvel échec pour Moscou, en théorie garant de la sécurité dans la région
Hugo Girard. Le Dauphiné Libéré. 19/03/2023
Il ne faut pas se faire d’illusions ni la Georgie ni l’Arménie ne pourront rentrer dans l’UE, l’UE à une borne: la Russie. Face à la puissance turque et à l’islam prépondérant dans l’ouest de l’Asie, le seul avenir de la Georgie et de l’Arménie reste la Russie, Poutine grand ami du métropolite Cyril ne pourra pas les laisser tomber.