La garde à vue…

pour décourager les militantes

« La garde à vue, quand elle vise des militant-e-s, peut avoir un effet politique puisque ça décourage certaines mobilisations », affirme Anne-Sophie Simpere. Longtemps chargée de plaidoyer pour Amnesty International, la co-autrice de « Comment l’État s’attaque à nos libertés » s’est occupée de nombreux cas d’arrestations de manifestant·es, notamment durant la période des Gilets jaunes.

Bien souvent, elle a pu constater qu’il n’y a pas d’infraction avérée de la part des interpelé·es. Le but de la GAV est tout autre : empêcher les manifestant·es de se rendre en manifestation, ou bien les dissuader d’y retourner. Pour justifier cette pratique d’interpellations à outrance, tous les moyens sont bons. Délits invoqués flous ou fondés sur « l’intention de nuire » sans qu’aucune action n’ait eu lieu. La dissimulation du visage, dans un contexte où les masques sanitaires étaient encore obligatoires, a également fait partie de l’éventail des faits délictuels justifiant certaines gardes à vue (GAV).

Les « jeunes de banlieue » et les militant-e-s cible prioritaire de la garde à vue

Les chefs d’inculpation peuvent aussi être fixés pendant, voire après la garde à vue, ce qui interroge Anne-Sophie Simpere. « Alors même que la personne n’a rien fait, elle va être interpelée, et parce qu’elle aura refusé par exemple que son ADN soit prélevé, le délit sera constitué et elle aura un procès pour ça, ou un rappel à la loi ». La chargée de plaidoyer rajoute que les motifs invoqués sont souvent « des délits qui n’impliquent que la parole de la police ».

Les lois sollicitées pour placer la personne en garde à vue cachent donc d’autres intentions. La première : viser un ennemi. Dans son livre, Anne-Sophie note que sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il s’est agit principalement de cibler les jeunes de banlieue, puis cela a continué avec les travailleur-euse-s du sexe, les migrant-e-s, etc.

Viennent ensuite les Gilets Jaunes, qui ont représenté une contestation majeure du pouvoir. Puis les jeunes, ciblé·es lors d’occupations où de blocages de facs et de lycées, mais également les actions de désobéissance civile à visée écologique… Les gardes à vue permettent également de ficher les militant·es, de chercher à connaître la couleur politique des personnes arrêtées, etc.

Des conditions traumatisantes pour les gardé-e-s à vue

Si Anne-Sophie Simpere admet qu’il y a « beaucoup plus de violences en garde à vue contre des gardées à vue de petite délinquance dans des quartiers populaires, que contre des manifestantes », ces cas existent.

Face à ces cas extrêmes, l’expérience en soi de la garde à vue est déjà violente : « on est entassé-e-s à plusieurs dans une cellule, qui est généralement assez crade. On ignore combien de temps, on va rester, on est privé-e d’eau, toilettes, téléphone… On ne sait pas si l’avocat-e va être prévnu-e… » énumère Anne-Sophie Simpere. Tout est fait pour que les gardé-e-s à vue ressortent du commissariat épouvanté-e-s.

Une difficile reconnaissance des violences en GAV

Anne-Sophie Simpere pointe la difficulté de porter plainte si un·e ou plusieurs policier-e-s font un usage illégal de la force ou ne respectent pas la loi lors d’une GAV. Au-delà du fait que la plainte déposée contre l’agent-e en question peut se retourner contre la victime, accusée alors « d’outrage » ou de « rébellion », « il y a toute une série d’obstacles et de dysfonctionnements qui font qu’il est très difficile d’obtenir la condamnation d’un·e policier-e ».

Parmi ces obstacles, le ministère de l’Intérieur et les procureurs qui travaillent main dans la main avec la police. Pourtant, elle précise qu’il y a eu de nombreux rappels de la part de la Cour européenne des droits de l’homme ou de certaines ONG concernant la pratique parfois douteuse de la garde à vue française.

Les amendes en manif : une nouvelle menace

Une autre menace répressive pèse sur les manifestant-e-s : les contraventions pendant les manifestations. Syndicaliste ou militant-e écolo en action, manifestant-e autonome, tout le monde y passe d’après Anne-Sophie Simpere. Les motifs invoqués sont les mêmes que ceux pour les interpellations, mais cette fois-ci, il est « simplement » demandé 135€ d’amende. « Moins traumatisant qu’une garde à vue, mais plus lourd pour le porte-monnaie » souligne la chargée de plaidoyer qui reconnaît là une stratégie à « garder à l’œil ». Une bonne tactique pour pénaliser les manifestant-e-s, dans un contexte d’inflation toujours plus galopante, qui peuvent légitimement se dire qu’ils/elles ne peuvent pas se permettre de retourner toutes les semaines en manif.


Nina Nowak. Acrimed. Source (lecture libre)


3 réflexions sur “La garde à vue…

  1. bernarddominik 19/03/2023 / 8h41

    C’est l’éternel débat de la démocratie : est ce à la rue de décider? c’est la démocratie directe, est ce aux députés? c’est la démocratie parlementaire. Cette dernière a tout à craindre de la rue où une minorité agissante impose sa loi, quant aux partisans de la loi de la rue ils s’insurgent contre ces élus qui une fois élu ne se sentent plus engagés et sont soumis aux tentations de la corruption. Aucune manifestation n’a recueilli plus de 5% de la population, alors affirmer qu’il y a 70 voire 90% de soutiens…

    • Libres jugements 19/03/2023 / 13h46

      Certes il y a deux manières de faire un décompte des mécontentements. Celui comptabilisant les manifestants sans oublier d’additionner les grévistes « passifs » des lieux de travail et puis celui utilisé par les sondages. Dans le dernier cas même avec une marge d’erreur selon l’ennoncé de la question il y a plus de 60 % de mécontent dans la population et c’est cela qui compte en vu d’un possible réélection legislative et qui sera mis en avant par les partis politiques SI…

  2. laurent domergue 19/03/2023 / 10h22

    Pour avoir tenté d’empêcher un camion d’avancer à un rond-point, sur un camarade en fauteuil roulant, une nuit de GV, 1200 euros d’avocate et 300 euros d’amende, ça calme…!!!

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