Ben oui, l’art de faire des éconocrocs et-ou moins de paysans installés en montagne
Donner un coup de pouce aux éleveurs installés dans des régions enclavées où la terre est pauvre, notamment en petite et moyenne montagne. Une magnifique idée de la politique agricole commune (PAC), qui, pour ce faire, distribue une indemnité compensatoire de handicaps naturels, une « ICHN », dans le jargon bruxellois. Cette aide met du beurre dans les épinards de près de 100 000 paysans français.
L’enjeu est de taille : ne pas laisser mourir une agriculture peu émettrice de carbone, qui entretient, en prime, les paysages et préserve la biodiversité. Néanmoins, notre ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, vient de porter un sale coup au pastoralisme montagnard.
Désormais, pour toucher l’ICHN, il faudra aligner un minimum de têtes dans son troupeau, 5 vaches au lieu de 3, et 33 moutons ou brebis au lieu de 20. Non seulement c’est la fin des micro-fermes en montagne, mais toute la paysannerie pastorale est menacée de se faire sucrer une autre aide de la PAC, vitale pour sa survie : celle liée au pâturage.
La nouvelle règle pondue par l’Agriculture obligera, en effet, les éleveurs à mettre un minimum de bêtes à brouter par hectare s’ils veulent continuer de profiter de la subvention. Cette densité minimale dans le pré est calculée en « unités de gros bétail », ou « UGB ». L’étalon étant la vache laitière, qui équivaut à 1 UGB. La brebis, le mouton, la chèvre ou le bélier valent, eux, chacun 0,15 UGB, et le cochon, 0,5 UGB.
« De très nombreux éleveurs vont devoir faire un choix cornélien : augmenter leur cheptel, au risque d’épuiser la ressource, ou renoncer à l’aide, et mettre la clé sous la porte », déplore Siméon Lefebvre, éleveur de brebis dans les Cévennes et responsable local de la Confédération paysanne. « Moi, par exemple, j’ai 115 brebis, et, avec le nouveau critère, je suis censé passer à 220 bêtes, sinon je perds 40 % de mes aides, soit 10 000 euros par an… Si on monte à 2 brebis par hectare sur un champ de bruyères, par exemple, on va peler le sol définitivement. »
Du pastoralisme intensif plus vraiment écolo !
La Confédération paysanne demande au ministre de revoir dare-dare sa copie, en divisant au moins par deux la densité exigée. Tout doit être plié avant le 1ᵉʳ avril, date à laquelle les agriculteurs formuleront leurs demandes d’aide PAC. Pourvu qu’ils ne se fassent pas tondre la laine sur le dos !
Article non signé lu dans le Canard enchaîné du 15/03/2023
Même le ministre de l’agriculture est incompétent !