Moins d’impôts…

… mais pas plus d’usines

En 2022, le nombre de projets d’investissement étranger […] a atteint le chiffre record de 1 725 […]. Ces nouveaux projets ont permis de créer ou de maintenir 58 810 emplois […]. La France atteint historiquement son plus haut niveau d’attractivité. » Le 27 février dernier, le communiqué de presse de Bercy et de Business France, l’organisme chargé de vanter les mérites de notre belle contrée aux chefs d’entreprise du monde entier, était dithyrambique.

La forte baisse des impôts sur les entreprises et les actionnaires ; les sommets Choose France (« choisissez la France ») ; les clins d’oeil appuyés aux investisseurs – baisse des allocations chômage, facilitation des licenciements, réforme des retraites – auraient-ils enfin eu l’effet escompté ? Petit problème : selon l’Insee, la production du secteur manufacturier a continué à chuter entre fin 2019 et fin 2022. Et c’est bien sûr l’Insee qui a raison.

Comment les chiffres de ce communiqué peuvent-ils être aussi encourageants ? Parce que Business France recense des projets d’investissement, dont certains n’auront pas lieu ou généreront moins d’emplois que prévu. De plus, Business France intègre les « emplois sauvegardés ». Mais comment cela se mesure-t-il ? Personne ne sait. Enfin, Business France ne s’intéresse qu’aux arrivées d’usines, mais pas aux départs : si une entreprise crée 500 emplois en France, mais qu’une usine de 700 personnes est délocalisée, Business France ne nous parlera que des 500 emplois créés. Enfin, 58 000 emplois, dans un pays qui emploie 21 millions de personnes dans le secteur privé, c’est une hausse de… 0,3 %. En réalité, seulement 80 sites industriels ont été créés en 2022, une goutte d’eau par rapport aux 260 000 implantations industrielles du pays (1).

Taxer toujours plus les braves couillons de salariés

La politique économique d’Emmanuel Macron est donc en échec. Elle a pourtant fonctionné ailleurs : le « miracle irlandais », qui a vu le pays passer de l’un des plus pauvres de l’Union européenne â 15 à l’un de ceux au plus haut PIB par habitant, désormais plus de deux fois supérieur au nôtre (77 000 euros, contre 33 000), a principalement reposé sur une très faible imposition des multinationales étrangères. Mais quand Apple, TikTok, Facebook ou Amazon embauchent des dizaines de milliers de personnes dans un État de 5 millions d’habitants, les revenus distribués sont énormes â l’échelle du pays. Résultat : aujourd’hui, malgré une très faible imposition, l’Irlande est en excédent budgétaire (2) !

Mais cette « chance des petits pays » ne fonctionne pas pour les grands, comme la France : trop peu d’emplois sont générés par rapport à la taille de ces derniers, pour une perte de recettes fiscales démentielle. L’ennui, c’est que la baisse de la fiscalité macronienne est largement irréversible : quel président osera, à l’avenir, mettre en oeuvre la pourtant nécessaire hausse des impôts sur les entreprises et les hauts revenus ?

En 2017, l’économiste pro-marché Patrick Artus s’alarmait déjà de la concurrence fiscale généralisée entre États, enclenchée dans les années 1980, qu’il qualifiait de « révolution fiscale mondiale (3) ». En effet, cette lutte de tous contre tous conduit à baisser les impôts sur les facteurs de production « mobiles », comme le capital, les travailleurs très qualifiés ou, surtout, les profits, et, à l’inverse, à taxer toujours plus lourdement ce qui est immobile, comme les braves couillons de salariés ordinaires. Or qu’est-ce que nous demander de travailler plus pour avoir la même retraite si ce n’est une taxation accrue du travail. Si vous vouliez payer moins d’impôts, fallait être P-DG de multi nationale !


Jacques Littauer. Charlie Hebdo. 15/03/2023


  1. « L’industrie française a regagné du terrain pendant l’année 2022 », par Jean-Michel Bezat (Le Monde, 2 mars 2023).
  2. « En Irlande, les multinationales font déborder les caisses de l’État », par Eric Albert (Le Monde, 18 août 2022).
  3. « La nouvelle révolution fiscale mondiale », par Patrick Artus (Les Échos, 24 novembre 2017).

Une réflexion sur “Moins d’impôts…

  1. bernarddominik 16/03/2023 / 20:12

    Et oui triste réalité les médias aux ordres ne présentent que le beau côté de la pièce jamais le revers. La réalité est triste: la France produit de moins en moins.

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