OUF ! La décision, qui fait figure de test, était « très attendue dans le monde du business », note « Challenges » (02/03/2023). Le soulagement a été général.
Oui, vient de décider le tribunal judiciaire de Paris, le pétrolier TotalEnergies va pouvoir continuer tranquillement de dévaster le Murchison Falls, dans le nord de l’Ouganda, l’un des plus beaux parcs naturels du monde, d’exproprier plus de 100 000 habitants, de creuser dans ce parc pas moins de 130 puits de forage (419 en tout) et de construire un oléoduc géant (chauffé à 50 °C) de 1 443 km de longueur qui traversera l’Ouganda et la Tanzanie jusqu’au port de Tanga, d’où partiront des pétroliers emportant dans le vaste monde 200 000 barils d’hydrocarbures par jour (pendant vingt-cinq ans, au moins).
L’Ouganda, 46 millions d’habitants. Un pays sous la botte du même président-dictateur, Yoweri Museveni, depuis 1986. Pour les opposants à ce mégaprojet, « des arrestations arbitraires, des enlèvements, des détentions au secret prolongées, des disparitions forcées et des poursuites judiciaires » relevées par Amnesty International. S’appuyant sur une loi française votée en 2017, après l’effondrement du Raza Plana, au Bangladesh, loi qui invite les entreprises à un « devoir de vigilance envers les droits humains et environnementaux », quatre associations ougandaises, associées aux Amis de la Terre et à Survie, avaient attaqué TotalEnergies en référé. Elles l’accusaient notamment d’avoir exproprié massivement les populations sans les indemniser correctement.
De cette première, les ONG espéraient beaucoup. Le pétrolier en craignait autant. Il a tout fait pour l’étouffer dans l’oeuf. Déjà qu’en septembre le Parlement européen, à l’initiative de Pierre Larrouturou, avait pondu une résolution lui demandant de renoncer à cette bombe climatique. Déjà que le Vatican en avait fait autant. Déjà que les grandes banques françaises avaient refusé d’y investir un euro…
De cette première, les ONG espéraient sincèrement. Le pétrolier en craignait autant.
Il a tout fait pour l’étouffer dans l’œuf. Déjà qu’en septembre le Parlement européen, à l’initiative de Pierre Larrouturou, avait pondu une résolution lui demandant de renoncer à cette bombe climatique. Déjà que le Vatican en avait fait autant. Déjà que les grandes banques françaises avaient refusé d’y investir un euro…
Heureusement, la justice a donné raison au roi du pétrole. Celui-ci a prétexté un défaut de procédure. Entre 2019, date de la plainte, et aujourd’hui, arguait-il, les ONG ont fait évoluer « leurs demandes et leurs griefs » sans les notifier par une nouvelle mise en demeure. Voilà donc la plainte « irrecevable ». Bien joué ! La décision de justice va faire jurisprudence. Dans le « monde du business », la loi sur la vigilance ne fait plus peur.
Dès ce printemps, Total-Énergies (et son partenaire chinois CNOOC) va donc pouvoir procéder sereinement à son premier forage en Ouganda. En ami de la nature et de l’humanité, Patrick Pouyanné, son pédégé, l’a promis : « Nous sommes engagés à laisser une empreinte environnementale positive. » Oui, grâce à lui, en Ouganda et en Tanzanie, la nature sera plus belle, plus riche, plus variée qu’avant. Et qu’importent les quelque 34 milliards (oui, milliards) de tonnes de gaz carbonique en plus par an…
En perdant ce procès, l’écologie punitive a perdu une bataille. L’écologie des solutions a triomphé.
Merci, Total-Énergies !
Jean-Luc Porquet. Le Canard enchaîné. 08/03/2023
C’est toujours le même problème. En France on va exploiter du lithium et tant pis pour les conséquences. Si on trouvait du pétrole en Camargue, je ne crois pas qu’on pourrait s’opposer à son exploitation. Raison d’état et après moi le déluge !