Sectes…

… un phénomène toujours aussi difficile à cerner

Une journée pour dresser l’état des lieux, une autre pour préparer le plan de bataille du gouvernement : voici le menu des Assises nationales des dérives sectaires, qui s’ouvrent ce jeudi au ministère de l’Intérieur.

Une première en France, ces assises avaient été annoncées début novembre par la secrétaire d’État à la Citoyenneté, chargée du dossier : « L’idée, c’est de mettre en place un plan d’action concret. On a des difficultés sur le signalement : que fait-on quand un collègue de travail, un voisin, est touché par ça ? A qui on le signale ? Comment agit-on ? Est-ce qu’il faut créer un numéro vert ? Faire évoluer la loi ? » avait questionné Sonia Backès sur BFMTV.

Le sujet tient à coeur à la ministre, qui a vécu l’emprise de l’intérieur : sa mère était scientologue. Mais les dérives sectaires ne sont plus limitées aux « multinationales de la spiritualité », comme la Miviludes surnomme volontiers la Scientologie et les Témoins de Jéhovah, ou à d’obscurs mouvements religieux ou ésotériques. Sans qu’il soit possible de jeter l’opprobre sur toutes les pratiques, on les retrouve à des degrés divers dans les domaines de la santé, du bien-être, du développement personnel, de l’écologie, du féminisme, du coaching, de l’investissement financier…

C’est que le gourou moderne n’a plus grand-chose à voir avec celui des années 1970. Il sème ses idées sur les réseaux sociaux, surfe sur les théories du complot, exploite les thèmes à la mode. Dans son dernier rapport, la Miviludes évoquait ainsi un phénomène sectaire à l’état « gazeux ».

Deux fois plus de signalements qu’en 2015

Or le propre d’un gaz n’est-il pas de s’immiscer partout ? « Le groupe est bien là, mais il est mobile, changeant et impalpable. Ses membres y adhèrent ou se désolidarisent facilement en créant d’autres groupes, selon la lecture qu’ils font du contenu doctrinal », détaillait la mission interministérielle, qui évolue désormais dans le giron du ministère de l’Intérieur.

En 2021, le nombre de saisines de la Miviludes a explosé, jusqu’à atteindre 4 020 signalements – un tiers de plus qu’en 2020, et presque deux fois plus qu’en 2015. Un quart de ces signalements, le plus gros contingent, avaient trait au domaine de la santé.

La plupart concernaient des « pratiques non-conventionnelles », à l’image des jeûnes qui ont coûté la vie à plusieurs personnes ces dernières années – et qui viennent de valoir au naturopathe Eric Gandon d’être mis en examen début janvier.

Ces signalements ne représentent pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Trait caractéristique de l’emprise sectaire, la plupart des victimes n’ont même pas conscience d’être manipulées. Beaucoup d’autres se taisent, par peur ou par honte. L’ampleur réelle du phénomène demeure un mystère.

Combien de victimes, quand certains pseudo-guérisseurs ayant pignon sur internet revendiquent plusieurs centaines de milliers d’abonnés ? Les appels à l’aide auprès de la Miviludes ou des associations ne permettent d’en avoir qu’une vague idée. Un des enjeux de ces assises sera précisément d’améliorer la détection des victimes.

(*) Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.


1983  – Premier rapport sur les sectes en France, par le député PS Alain Vivien.

1994-1997Drame de l’Ordre du Temple Solaire : exécutées ou poussées au suicide, 74 personnes sont retrouvées mortes en Suisse, en France et au Canada.

1993Création de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (Mils).

2002La Mils est rebaptisée Miviludes : l’accent n’est désormais plus mis sur les croyances proprement dites, mais sur les agissements et les dérives.

2020Rattachement de la Miviludes au ministère de l’Intérieur.


744 – C’est le nombre de signalements liés à la santé reçus en 2021 par la Miviludes. S’y ajoutent 174 relatives au développement personnel, 148 en lien avec le complotisme.


Article signé des initiales J.-M.L. le Dauphiné Libéré 09/03/2023


3 réflexions sur “Sectes…

  1. Bernard Tritz 11/03/2023 / 18:19

    Une opposition est citée très souvent dans des ateliers entre les colonnes.
    Rentrer chez nous est très simple, pour en sortir, une simple lettre suffira, par contre nous ne sommes pas une secte, car en sortir est la plupart du temps impossible.

  2. bernarddominik 11/03/2023 / 18:35

    Personne ne garantit une guérison, ni un médecin, ni un sorcier, ni un gourou. Il faut vraiment être naïf pour croire que manger des radis va guérir ou empêcher un cancer.

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