L’irrationalité…

… pour faire bouger les choses

Marina Ovsiannikova, est cette journaliste de la chaîne de propagande russe Pervi Kanal, qui a brandi une pancarte « No War » lors d’un journal télévisé, le 14 mars 2022, trois semaines après le début de l’invasion russe en Ukraine.

  • Comment êtes-vous passée à l’action ? Était-ce un geste prémédité, ou un coup de folie ?

Les deux. Dès le premier jour de l’invasion russe en Ukraine, j’ai compris que quelque chose avait changé en moi. J’ai d’abord pensé démissionner. Ça ne suffisait pas, j’avais besoin d’agir. Les premières heures de cette guerre, je voulais descendre protester dans les rues, même si la police commençait à arrêter les manifestants. Mais, mon fils m’a confisqué les clés de la voiture et m’a accusée de vouloir détruire notre vie, notre famille.

J’ai donc décidé de ne plus parler à personne et j’ai commencé à méditer mon action. Tout le dimanche, j’ai répété la scène en boucle dans ma tête et le lundi, je suis partie au boulot avec cette pancarte cachée sous mon manteau. J’étais grisée par l’émotion, par la révolte, totalement déterminée : je sentais qu’il fallait que je passe à l’action, le jour-même. Si j’attendais, je n’aurais jamais le courage de le faire, si je me confiais, on tenterait de me dissuader.

  • Étiez-vous consciente des risques encourus ? 

Je pensais être prête à aller en prison. Dans le même temps, je considérais un peu naïvement que même si j’étais arrêtée et emprisonnée, la guerre ne durerait pas plus d’une semaine ou deux et je serais libérée. Mais, dans l’émotion, je n’y pensais pas réellement. Après l’interrogatoire de quatorze heures, quand j’ai expliqué mon geste à mes enfants, notamment à mon fils, qui m’a accusée de détruire notre famille, j’ai dit : « Il faut parfois être irrationnel pour faire bouger les choses. »

  • Quelle était l’ambiance à la rédaction de Pervi Kanal, lors du début du conflit ?

Tout le monde était absolument sous le choc. Les journalistes étaient perdus, désemparés, apeurés. Pendant les journaux, les présentateurs avaient les mains et la voix qui tremblaient. Il y a peut-être 20% de la rédaction qui soutiennent le régime. Les autres comprennent très bien la situation, mais il n’est pas si facile de se rebeller. Poutine a la main sur tous les médias russes.

Les journalistes n’ont pas le choix : soit, ils travaillent pour des médias de propagande, soit, ils émigrent hors du pays. Ce qui est un choix très douloureux : les personnes ont des familles, des parents âgés, ils n’ont pas forcément les visas… Détruire sa vie demande beaucoup de courage.


Coline Renault.·Charlie Hebdo Web – Source (Extraits)


Bien évidemment, il sera impossible, à tout un chacun, de dénier de la véracité des déclarations de cette personne par celles ou ceux qui sont habitués au complotisme. Il est vrai aussi qu’entendre l’information en provenance d’une seule voix, ne garantit absolument pas l’authenticité. Nous devons croiser les informations lorsque cela est possible. MC