Happé et revisiter par Macron : un coup politique !
« Changer notre Constitution afin d’y graver la liberté des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse, pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire ce qui sera ainsi irréversible ».
C’est par ces mots qu’Emmanuel Macron a annoncé mercredi, Journée internationale des droits des femmes, vouloir inscrire l’IVG dans la Constitution française. « Pour adresser aussi un message universel à toutes les femmes qui voient aujourd’hui cette liberté bafouée » a-t-il ajouté.
C’est lors d’un discours en hommage à Gisèle Halimi, avocate, femme politique et écrivaine décédée en 2020, que le président de la République en a fait l’annonce. L’icône féministe avait joué un rôle majeur dans la légalisation de l’avortement en France, en 1975. Ravivée en juin 2022 après la décision de la Cour suprême américaine de permettre aux États d’interdire le recours à l’IVG, cette constitutionnalisation est réclamée de longue date par les associations féministes. Poussée par le groupe La France Insoumise, une proposition de loi prévoyant cette mention avait d’ailleurs été adoptée à l’Assemblée nationale en novembre dernier, avant de l’être au Sénat en février mais sous une formulation différente (« la liberté de la femme de recourir à l’IVG »).
Pour que la Constitution soit révisée, la volonté du président seule ne suffit pas. Le projet doit encore être voté, dans la même forme, et par l’Assemblée nationale et par le Sénat. Dans un second temps, rassemblés lors d’un congrès, députés et sénateurs réunis ont encore à se prononcer en faveur de la révision à hauteur des trois cinquièmes. Ainsi votée, la liberté des femmes à recourir à l’IVG deviendrait alors un droit constitutionnel.
Un paquet de réformes constitutionnelles
Sauf que, détail qui n’en est pas un, Emmanuel Macron prévoit d’inclure d’autres mesures dans son projet de révision de la Constitution « qui sera préparé dans les prochains mois ». Une information confirmée dans la soirée par l’Élysée.
« Si c’est un pack que présente Macron, c’est très loin d’être fait. Il y a de grandes chances que le projet ne soit pas voté par le Parlement », explique Benjamin Morel, constitutionnaliste. « De nombreux bruits de couloir font état d’une volonté de la part du chef de l’État de réformer le Conseil constitutionnel ou encore de revenir au septennat. Tant de réformes qui auraient du mal à réunir un consensus et mettraient donc en péril l’inscription de l’IVG dans la Constitution. » Une stratégie délibérée du chef de l’État qui, ce faisant, espère mettre l’opposition au pied du mur. Cette tactique politicienne est vivement dénoncée par la députée écologiste du Rhône Marie-Charlotte Garin qui, « appelle à ce que cette avancée historique sur l’IVG fasse l’objet d’un projet de loi dédié et ne serve pas à faire passer la pilule pour inclure d’autres modifications de la Constitution que nous ne pourrions pas voter ». « On attend des gages de non-instrumentalisation des droits des femmes. Personne n’est dupe ».
Étienne Ouvrier. Le Dauphiné Libéré. 09/03/2023