De couacs-en-couacs

La tournée africaine d’Emmanuel Macron

Bouclée le 5 mars 2023, elle devait – une fois de plus – solder en fanfare le passif de la Françafrique de jadis et étrenner un « partenariat inédit » dénué d’arrogance postcoloniale.

Las ! quelques fâcheux ratés ont terni ce baroque périple…

Un Archange pas très catholique

En marge du One Forest Summit de Libreville (Gabon), le visiteur élyséen a rencontré le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, désireux, à en croire son ambassadeur à Paris, de « retisser des liens de confiance » avec la France. Et de s’affranchir un peu, au passage, de l’étouffante sollicitude de ses parrains russes.

C’est mal parti : trois jours plus tard, à Doha (Qatar), théâtre d’un sommet des « pays les moins avancés », ou PMA, le même Touadéra fustigeait l’ « instabilité politique entretenue par certains pays occidentaux » avides de piller les ressources de son pays, mais aussi les méfaits de « mercenaires étrangers ». Et, non, il ne parlait pas de la Russie, lui qui a confié sa sécurité rapprochée aux soudards de la maison Wagner, gratifiés en contrepartie de plusieurs mines d’or et de diamant.

Le traquenard de Brazza

Vexé par la brièveté du passage de son hôte français -quelques heures, pas de nuit passée sur place ni de dîner officiel -, le despote congolais Denis Sassou-Nguesso a imposé à Macron, au terme de leur tête-à-tête, un point de presse « improvisé ». Ce qui a donné lieu à des échanges acides entre les entourages et contraint le service de presse de l’Élysée à rapatrier fissa au Palais les journalistes parqués à la Case de Gaulle, haut lieu de la France libre.

But de ce happening ? Annoncer le (très hypothétique) retour à Brazzaville, dès juin, à la faveur d’un barnum environnemental, d’un Emmanuel Macron mi-perplexe, mi-agacé. Un autre guet-apens attendait Jupiter : un cocktail au cours duquel, au grand dam de son équipe, il lui a fallu subir, debout sur une estrade, l’interminable péroraison du chef de la diplomatie congolaise. « On s’est fait avoir », confiera, un rien amer, l’un de ses conseillers.

Duel au soleil de Kinshasa

Considérée comme la plus périlleuse du voyage, l’étape RDC (République démocratique du Congo – ex-Zaïre) a tenu ses promesses. À preuve l’échange, lors d’une conférence de presse commune, entre le Français et le maître de céans, Félix Tshisekedi. Lequel a enjoint à son homologue d’abandonner tout « regard paternaliste ». Il faut dire que Macron venait d’asséner ce constat face à l’auditoire : « Vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté militaire, sécuritaire et administrative de votre pays (…). Il ne faut pas chercher de coupables ailleurs. »

À la source du contentieux, les doutes naguère émis par le Quai d’Orsay quant à la régularité de l’élection, en décembre 2018, de Tshisekedi. Mais aussi et surtout le refus de Paris de condamner explicitement l’implication de Kigali, parrain des miliciens du M23, dans le carnage qui endeuille le Kivu, dans l’extrême est. À peine Macron a-t-il consenti à dénoncer « tous les soutiens extérieurs » de la rébellion, Rwanda compris.

Un dernier couac pour la route ?

Ce n’est que le 5 mars 2023, à Paris, que la presse a eu confirmation de l’entrevue entre Emmanuel Macron et Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018. Une rencontre en catimini à la résidence de l’ambassadeur de France.

Pourquoi cette pudeur de chaisière ? Par souci de ne pas froisser l’actuel chef de l’État, qui, résolu à briguer un nouveau mandat fin 2023, tend à voir en Mukwege un rival potentiel. Celui qui comprend le « nouveau logiciel » franco-africain annoncé par Macron gagne son poids en saka saka, ce plat à base de poisson fumé si prisé des gastronomes congolais.


Louis Colvert. Le Canard enchaîné. 08/03/2023


Une réflexion sur “De couacs-en-couacs

  1. bernarddominik 10/03/2023 / 10:48

    Difficile de changer de politique avec ceux qui ont été mis là par nos propres présidents. En politique étrangère on ne peut faire de virage à 180 degrés il faut y aller progressivement, et Macron est un homme pressé manquant de pragmatisme et de diplomatie.

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