… un peu des complotistes
Sous une image, quelques mots, toujours les mêmes : « Nous Sachons », « Réfléchissez » ou « À méditer ». Ces leitmotivs approximatifs sont ceux de « Complots faciles pour briller en société » (1). Un compte sur les réseaux sociaux qui entend tourner en ridicule les obsessions rhétoriques des complotistes.
Aux manettes de cette satire 2.0 se trouve Dimitri Halby, ingénieur de profession. Il raconte comment, par hasard – mais est-ce bien certain, hein ? -, lui est venue l’idée de tourner en ridicule les théories complotistes qui se propagent dans nos sociétés.
On est alors le 28 janvier 2015, juste après les attentats du 7 janvier. Sur Facebook, une épidémie de « complotite aiguë » prospère : « Le changement de couleur d’un rétroviseur de la voiture des frères Kouachi sur une photo était devenu la preuve d’un complot alors qu’il s’agissait simplement d’un reflet », explique Dimitri. Le cas s’était déjà produit en septembre 2001 avec les attentats de New York, où, selon des cinglés du même tonneau, les juifs auraient été épargnés parce qu’ils savaient que deux avions allaient venir s’encastrer dans les tours jumelles du World Trade Center.
« Le sachoir est une arme contre ceux qui croivent »
Tous ceux qui, un jour, ont essayé de faire entendre raison à un complotiste savent que pisser dans un violon est plus facile. Alors, plutôt que de perdre son temps et son énergie, Dimitri Halby a décidé de tourner en dérision leurs théories délirantes. Ce qui n’était au départ qu’une blague entre copains devient un « concept » sur les réseaux sociaux, où s’inventent constamment d’improbables complots. « À défaut de convaincre les conspirationnistes, ça me permettait de rire de situations finalement dramatiques. Et visiblement je n’étais pas le seul à avoir ce besoin… » La plaisanterie est suivie par quelque 930 000 followers sur Facebook, 375 000 sur Twitter, 270 000 sur Instagram.
Loufoques et décalés, ces Complots faciles pour briller en société reprennent les thèmes de prédilection des conspirationnistes. Vaccins, Terre plate, aliens, sionistes…, figurent au top ten de leurs obsessions. Et Dimitri en rajoute une couche. Il tourne en ridicule la bouillie qui leur sert de cervelle : additions de chiffres sans queue ni tête qui retombent invariablement sur le 666, le chiffre du diable, puzzles de lettres à l’envers auxquels on fait dire ce que l’on veut et le plus souvent n’importe quoi…
Ainsi, ce pauvre Neil Armstrong, premier homme à avoir marché sur la Lune, et dont le prénom et la première lettre de son nom « Neil A. donnent à l’envers MIEN ». Coïncidence ? Je ne crois pas, pourraient dire en chœur les neuneus qui pensent avoir plus de jugeotes et de lucidité que les autres. Pour choisir ses thèmes, Dimitri surveille « l’actualité conspirationniste en général ». Il a l’embarras du choix, car les complotistes « sont toujours and-tout : masque, vaccins… Après, [il n’a] plus qu’à grossir le trait ».
La technologie est l’autre grand sujet de prédilection des complotistes. On adore, par exemple, sa démonstration selon laquelle, grossie au microscope, la manette de jeu des PlayStation est réalisée avec une truffe de chien, raison pour laquelle Sony ferait abattre chaque année des millions de toutous !
Barrée, mais guère plus que les « vraies » théories des complots.
L’imagination malade des complotistes dépassant souvent celle, amusée, de Dimitri. Lequel tient d’ailleurs à préciser que les vrais complots, ça existe. Et qu’il y a « deux erreurs à ne pas faire : voir des complots partout et n’en voir nulle part ». Pour démêler le vrai du faux, gardons en tête cette maxime qui fait la marque de fabrique de Complots faciles : « Le sachoir est une arme contre ceux qui croivent. »
À méditer… avec une aspirine.
Natacha Devanda. Charlie Hebdo. hors série – N° 3H – Fev/Mars 2023
- Complots faciles pour briller en société est aussi un petit livre publié aux éditions Tana.