Connaissez-vous Ovalie ? C’est une vache, une salers.
Samedi 26/02/2023, Macron est allé lui gratter la tête au Salon de l’agriculture, dont elle est la mascotte.
Dans un clip promotionnel, son propriétaire dit la trouver « très docile » et « très gentille ». Elle coule des jours heureux dans une merveilleuse prairie permanente, à 1 100 mètres d’altitude, aux confins du Cantal et du Puy-de-Dôme. Un beau conte de fées…
Beaucoup de nos vaches (on en compte 17 millions, en tout) sont des machines à lait sur pattes. On exige d’elles qu’elles en fabriquent chacune plus de 10 000 litres par an. On les gave d’ensilage de maïs. Pas ou peu d’herbe : ça ne fait pas pisser assez de lait. 8 % d’entre elles ne sortent jamais de l’étable.
Une vache vit, normalement, entre quinze et vingt ans. Elles, à l’âge de 5-6 ans, après deux ou trois lactations (lesquelles durent 300 jours après la naissance d’un veau), sont épuisées. Plus assez rentables.
Vite, à l’abattoir ! On les retrouve dans nos burgers. Cet élevage intensif ne rapporte pas gros. Les éleveurs crient famine. Partent à la retraite, ne sont pas remplacés. Le cheptel français fond d’année en année. Le président de la Fédération nationale bovine s’alarme : « C’est un drame pour la souveraineté alimentaire de la France !»
Chercheurs de l’Inrae, éleveurs et ministres ne voient qu’une solution : il faut plus de vaches, et qu’elles soient encore plus productives. Donc : des troupeaux encore plus gros, avec encore plus de sélection génétique, encore plus d’aliments qui leur font fabriquer, plus vite, plus de lait, plus de muscles. Et, vu le méthane qu’elles émettent en rotant (elles seraient responsables de 10 % des gaz à effet de serre de la planète), on leur mettrait des masques, comme le préconise la multinationale Cargill ?
Claude Aubert prône tout le contraire. Ingénieur agronome, cofondateurs de Terre vivante, il rappelle, dans un formidable et très didactique ouvrage (1), que pour freiner le réchauffement il faut diviser par deux notre consommation de viande (et même plus, d’après l’OMS).
Donc diminuer le nombre de vaches. Et revenir à l’herbe, à la prairie. Les vaches seront moins productives ? Et alors ? Augmenter la part d’herbe dans leur alimentation serait, affirme-t-il, « une opération mille fois gagnante ».
La viande serait de meilleure qualité, plus riche en nutriments. Les prairies permanentes arrêteraient de disparaître (on en a perdu près d’un tiers en soixante ans), or « aucun milieu naturel, les forêts primaires mises à part, n’abrite une telle biodiversité qu’une prairie » (insectes, notamment).
Autre (grand) avantage : ces prairies fixent plus de 800 kg de carbone par hectare et par an. Et Claude Aubert de nous présenter des éleveurs qui ont fait ce choix, ont un bilan carbone huit fois moindre que la moyenne et s’en sortent correctement. Sans masques.
Jean-Luc Porquet. Le Canard enchaîné. 01/03/2023
(1) « Qui veut la peau des vaches ? », Terre vivante, 160 p., 25 €.