Un nombre record de pays ont coupé internet en 2022
C’était le 8 février dernier, deux jours après les séismes qui ont frappé le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, faisant plus de 50 000 morts. Alors que des milliers de sauveteurs l’utilisaient pour se coordonner, Twitter a brusquement cessé de répondre. Panne ? Rupture de câble ? Réseau saturé ? Rien de tout cela : ordre d’Ankara, officiellement pour lutter contre la « désinformation ». En pratique, surtout pour assécher le flot de critiques visant le gouvernement…
Le cas de la Turquie est loin d’être isolé. Selon un rapport publié mardi par l’ONG Access Now, l’année 2022 a même été marquée par un nombre record de pays ayant recours à ces pratiques : 35, pour un total de 187 coupures d’internet documentées. En 2016, ils n’étaient que 25 pays, pour 75 coupures.
Une pratique qui se diffuse en Inde
Le pire pays en la matière ? Il occupe la première place depuis cinq ans, et paradoxalement c’est aussi la plus grande démocratie du monde : l’Inde a débranché internet 84 fois l’année dernière. L’Etat de Jammuet-Cachemire, dont les frontières sont contestées par le Pakistan, la Chine et l’Inde, a concentré la majorité des coupures, mais les auteurs du rapport notent une tendance croissante des autorités indiennes à couper, le réseau et renforcer la censure dans le reste du pays.
L’Ukraine arrive en deuxième position – à son corps défendant, toutes les coupures ayant été orchestrées par Moscou « à travers une combinaison de cyberattaques, de frappes aériennes ciblées, et de démantèlement délibéré de l’infrastructure de télécommunications ». La Russie a également bloqué plusieurs réseaux sociaux occidentaux sur son sol, ainsi que dans les territoires ukrainiens qu’elle contrôle, désormais raccordés à un internet russe sous étroite surveillance.
Sans surprise, l’Iran arrive sur la troisième marche du podium, avec 18 coupures constatées en 2022. La plupart se sont produites après la mort de Mahsa Amini, la jeune étudiante décédée le 16 septembre après avoir été arrêtée par la police des moeurs, et les manifestations contre le régime qui ont suivi. Le rapport note que Téhéran a notamment instauré une sorte de « couvre-feu numérique » en soirée, afin d’empêcher les manifestants de se coordonner et de publier des images de la répression.
Avec au moins quatre coupures dans l’année, le Myanmar, le Bangladesh, la Jordanie, la Libye, le Soudan et le Turkménistan figurent également sur la liste noire d’Access Now.
Le plus souvent concomitantes à des épisodes de violences (133 cas sur 187), ces coupures sont parfois motivées par d’autres raisons : au Soudan, en Syrie, en Jordanie ou en Irak, il n’est pas rare que les autorités locales coupent internet à l’ensemble de la population durant les examens scolaires, pour éviter la triche.
Pour d’autres régimes, il s’agit d’empêcher l’émergence de toute contestation : dans certaines régions du Myanmar, le black-out dure depuis plus de 500 jours. Dans la région du Tigré, en Éthiopie, depuis plus de deux ans.
Article signé des initiales J.-M.L. Le Dauphiné Libéré. 01/03/2023
Rapport complet disponible (en anglais) sur accessnow.org