La guerre silencieuse du blé

Le blé est une ressource stratégique et la guerre en Ukraine a poussé la communauté internationale à établir un constat : une majorité de pays est en situation de forte dépendance envers deux géants, la Russie et l’Ukraine.

Une guerre silencieuse que cet entretien se donne l’objectif d’analyser… ÉCOUTER (15min)

L’Ukraine maintient un certain niveau de production

L’Ukraine est parvenue à faire une récolte qui n’est pas nulle, mais amputée de 50%. Les conditions sont dégradées, certains agriculteurs sont partis combattre, d’autres ont quitté le pays. La suite agricole du pays tant pour la production que la reprise des exportations est une réelle inconnue. Sur le plan géographique, le conflit s’enlise et la Russie contrôle environ 20% du territoire ukrainien. La Russie exploite les récoltes de ces territoires mais il est difficile de disposer d’informations fiables sur leur utilisation.

21 millions de tonnes sont sorties d’Ukraine par la mer Noire, toutefois 23 millions de tonnes sont sorties par les corridors de solidarité mis en place par l’Union Européenne. Par voie ferroviaire, par voie fluviale, sur le Danube pour permettre aux grains Ukrainiens de chercher les interfaces portuaires de Roumanie ou de Bulgarie, mais également en Baltique, les voies ferroviaires vers la Pologne, vers la Hongrie ont permis à l’Ukraine de ne pas perdre tous ses marchés.

La Russie : premier exportateur de blé au monde

La Russie a énormément développé ses outils portuaires en mer Noire, c’est le seul pays au monde en 2022 à avoir fait une récolte supérieure en volume aux années précédentes. Elle exporte considérablement, 4 millions de tonnes en janvier 2023, c’et 90% de plus qu’en janvier 2022. L’Ukraine a non seulement subi un embargo forcé par un blocus des forces navales russes, pendant plusieurs semaines, elle n’a pas pu exporter par la mer noire. Un accord a été établi à partir du 1ᵉʳ août, il prend fin mi-mars et à ce stade, nous ignorons si l’Ukraine pourra poursuivre ses exportations. Toutefois, les capacités de l’Ukraine sont réduites. La Russie a accepté cet accord, car cela renforce sa construction de narratif vis-à-vis du reste du monde, la Russie se présente comme un recours aux problèmes alimentaires dans le monde. Si demain la Russie cessait d’exporter son blé, ce serait particulièrement problématique.

La Russie a russifié ses filière céréalières, elle a repris main basse sur ses infrastructures en Mer Noire, elle a russifié ses infrastructures intérieures et les dispositifs financiers pour permettre le négoce du blé. Il y a une étatisation de la filière. Le contexte a amplifié cette dynamique. La Russie menace de fermer le robinet à blé en cas de critiques envers la Russie. Certains de ces pays menacés de sérieuses difficultés alimentaires se voient empêchés de voter les sanctions contre la Russie.


Sébastien Abis : Directeur du club DEMETER et chercheur associé à l’IRIS. Source (Lecture libre)


4 réflexions sur “La guerre silencieuse du blé

  1. W 28/02/2023 / 18h28

    Tous les pays exportent certaines matières et en importent d’autres . Donc il faut savoir qui sera gagnant à ce jeu de « fermer le robinet » …

    • Libres jugements 01/03/2023 / 10h19

      Comme tu peux le lire dans l’article, Walter, l’État ukrainien, malgré le conflit avec les Russes, s’ingénie à poursuivre un commerce extérieur et c’est certainement une chance pour cet état.
      D’autre part comment l’Europe – dans laquelle chaque État entend tirer la couverture à soi de la mise en commun d’un certain nombre de lois et de finances – se doit de réagir à l’agression de la Russie menaçant d’étendre les conflits armés à la Moldavie, Pologne, Roumanie pour reconstituer ce qu’aimerait voir renaître l’empire de l’ex-URSS ne serait-ce que parce que, les USA via l’OTAN, veulent avoir l’hégémonie commerciale mondiale ?
      Amitiés
      Michel

  2. bernarddominik 28/02/2023 / 21h09

    Et oui la Russie est incontournable. L’UE s’est mise en mauvaise position. La morale entre états ? Ce serait une première dans l’histoire de l’humanité. Le cynisme le réalisme la défense de ses seuls intérêts voilà les 3 règles de la diplomatie. Lisez Kissinger

    • Libres jugements 01/03/2023 / 9h47

      Jusqu’à preuve du contraire, Kissinger n’a jamais été un modèle en matière de diplomatie internationale.
      Michel

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