Dire ou médire ?

Le renfort des halles

Dans l’ensemble, les gens savent qu’il faut travailler un peu plus longtemps en moyenne, tous. En représentation au marché de Rungis pour rencontrer « les Français qui se lèvent tôt », Macron, même s’il se targue d’avoir besoin de peu de sommeil, avait, à 5 h 30, l’élocution mal réveillée quand ses interlocuteurs ont évoqué les retraites.

Mais sa formule approximative n’a entraîné aucune huée. Ce qui, compte tenu de sa cote de popularité et de celle de sa réforme des retraites, a de quoi étonner. Mais, entre les quartiers de viande et vêtu, comme les bouchers qui l’entouraient, d’une parka blanche pour entrepôts frigorifiques, il était « sur le terrain » pour faire une diversion bien scénarisée sur le « bon sens des Français ». La visite était censée montrer que la vraie vie est moins énervée que l’Assemblée. Et que les deux semaines de chaos et de furie, dans un débat qui pouvait s’apparenter à une vraie boucherie, étaient derrière lui.

Sauf qu’elles laissent des séquelles. Personne n’en est sorti indemne, ni la réforme, à l’issue d’un débat qui a fini sans vote, ni la majorité, ni les oppositions. Ni évidemment Macron, qui, même s’il n’y était pas, reste, avec son projet mal vendu et mal ficelé, à l’origine du débat, sinon du fracas.

Certes, Mélenchon, qui n’y était pas non plus, n’en est pas moins quant à lui, par ses consignes d’obstruction, à l’origine du chaos qu’il revendique. Et qui lui vaut non seulement la colère de ses partenaires de la Nupes mais surtout celle des syndicats. La tactique d’obstruction à tout prix n’a pas arrangé, au sein de LFI, parti qu’il définit lui-même comme « gazeux », les dissensions chez les élus Insoumis, de plus en plus partagés sur cette stratégie. Il y a eu de l’eau dans le « gazeux » sur le sujet.

Et l’obstruction par les milliers d’amendements a plus qu’échauffé aussi les écologistes, les socialistes et les communistes, ainsi privés de l’examen de l’article 7 sur le passage de 62 à 64 ans. Quant aux syndicats, ils sont encore plus furibards. Martinez, de la CGT, a accusé Mélenchon de vouloir « s’approprier le mouvement social et faire passer les syndicats au second plan ». Et Berger, pour la CFDT, a parlé d’ « un spectacle honteux » et averti que la journée d’ « arrêt » du 7 mars « ne sera pas la prolongation du bordel qui s’est passé à l’Assemblée ». Avec Mélenchon, l’ambiance est pourtant assurée d’avance !

La droite a également été cabossée. LR, avec la surenchère de Pradié, qui a fini par lui coûter son siège de numéro deux, a vu ses divisions s’étaler et surtout sa fiabilité s’éroder.

Le RN a un peu limité les dégâts en cherchant à se faire oublier, sauf avec sa piètre motion de censure. Les opposants ont souffert.

Mais la majorité, malmenée, même si elle a resserré les rangs, n’est pas pour autant tirée d’affaire. Et encore moins le gouvernement et les ministres, qui n’ont pas tous brillé par leur clarté, surtout sur le quiproquo de la retraite minimale à 1 200 euros. Borne et Macron ont beau se « projeter dans l’après », il reste quelques sérieux écueils avant.

Bien sûr, la séquence sénatoriale qui va suivre, pour s’achever le 12 mars, s’annonce moins éruptive. Mais, pour en revenir à la formule de Macron à Rungis, il est encore loin, très loin, d’avoir convaincu tous les « gens » et tous ses opposants qu’ « il faut travailler un peu plus longtemps en moyenne, tous ». Et nombre d’entre eux, toujours énervés, entendent encore, le 7 mars, dans la rue, le lui rappeler.


Erik Emptaz – Le Canard Enchainé 22 Fév. 2023


Comme d’hab… L’article appartient à son auteur, libre à chacun d’émettre un avis… MC


2 réflexions sur “Dire ou médire ?

  1. bernarddominik 22/02/2023 / 17h14

    En ne votant pas la motion de censure la gauche à montré qu’elle ne voulait pas faire chuter le gouvernement. Elle a peur de retourner devant les électeurs, alors que Macron est à son plus bas taux de satisfaction, pourquoi? Au fond la situation actuelle lui va bien, elle mise sur 2027, encore un calcul politique.

    • Libres jugements 23/02/2023 / 10h33

      Bonjour Bernard, entre deux couches d’enduit, j’émets, une petite réponse pour faire suite à ton commentaire.
      IL vaut aussi pour l’ensemble des prestations tant du côté de Macron et sa Macronie que de la NUPES dont je suis décidément pas un fan.
      Il semble qu’il faut lire dans le marc de café, se perdre en conjectures dans des cerveaux alambiqués pour essayer de décrypter les uns comme les autres.
      Cela ne grandit pas, en aucune manière, le respect des élus politiciens de quelques statuts dont ils disposent momentanément.
      Ce que l’on comprend bien actuellement, ce sont deux éléments qui au départ n’étaient pas destiné à s’entendre : l’indifférence, le désintérêt envers tous les votes résultants d’une abstention massive et l’écoute des propositions des leaders syndicaux, bien présente dans la population, en tous cas bien mieux que celle accordée par les médias et gouvernement.
      En résultats, une masse populaire qui gronde sérieusement et ce n’est pas l’indifférence affichée par le gouvernement, Macron en tête qui calmera le jeu.
      Bien sûr, ce n’est que mon avis et comme je le dis souvent, un avis que je partage avec mon miroir.
      Amitiés
      Michel

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