Parlementaires de contrastes

Une connerie, c’est ainsi et sans détour que Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a parlé de l’obstruction de la Nupes sur l’examen du projet de réforme des retraites à l’Assemblée.

Son collègue et ponctuellement allié sur la question, Philippe Martinez, de la CGT, a dit la même chose en plus châtié. « Nous souhaitons que chaque député puisse s’exprimer sur ce fameux article 7 » (celui qui organise le décalage de l’âge de départ de 62 à 64 ans), a-t-il déclaré, avant d’ajouter :« Il faut que chacun prenne ses responsabilités. »

C’est en effet le problème du moment, la responsabilité. Il reste trois jours, y compris ce mercredi, avant que le projet de loi, que son article principal ait ou non été examiné ou voté, soit envoyé au Sénat. Et il est évidemment question, déjà, de savoir à qui sera accolée la responsabilité d’avoir empêché un véritable débat de fond sur ce projet de réforme des retraites.

A l’exécutif, qui a fait le choix tactique contesté par les oppositions d’user de l’article 47.1, limitant de manière drastique la durée de l’examen ? ou à la Nupes en général et à LFI en particulier, qui, en jouant la montre dès le début des débats, à coups de milliers d’amendements et d’incidents à tout-va, ont fait de l’obstruction pour retarder l’examen en pratiquant le blocage pour protester contre le temps contraint ? Une stratégie mélenchonienne de fureur et de bruit qui, en cette deuxième semaine d’un examen censé prendre fin vendredi à minuit, ne cesse d’être remise en question.

Pas seulement par les syndicats, mais aussi par des partenaires de LFI dans la Nupes, dont certains ne se retiennent plus de montrer leur énervement croissant. Surtout face à la multiplication des dérapages de leurs camarades Insoumis, qu’ils sont de plus en plus nombreux à juger contre-productifs.

Après le dernier incident en date, celui du député Insoumis Aurélien Saintoul traitant le ministre du Travail d’ « assassin », certains se sont lâchés, comme le président du groupe communiste, André Chassaigne : « Je me sens blessé et même humilié ! Je le dis. Unir de tels propos est inacceptable. »

Les dirigeants des groupes partenaires de LFI dans la Nupes se sont tous également désolidarisés, et l’insultant a dû présenter ses excuses. Mais la tactique de LFI n’en a pas moins été sérieusement cabossée. D’autant qu’Elisabeth Borne a saisi l’occasion pour canonner que l’Assemblée nationale devait « être le lieu du débat, pas celui de l’injure ». Et pour lancer dans la foulée, alors que LFI, sous la pression de ses partenaires, songeait déjà à en retirer quelques-uns, un appel au « retrait » des amendements d’ « obstruction ».

Les 1 300 retirés par LFI ont évidemment été jugés insuffisants. Et la stratégie de la Nupes fait l’objet d’un vif débat interne et tendu entre, d’un côté, ceux qui continuent d’être pour le blocage en estimant que c’est l’exécutif qui serait, même sans vote positif, seul bénéficiaire de la discussion et, de l’autre, ceux qui pensent nécessaire d’avoir au moins le temps de discuter l’article qui fâche sur le recul de l’âge de départ.

Le temps d’y réfléchir n’est pas décompté de celui qui reste avant les défilés de jeudi et la date butoir de vendredi, à minuit. Mais des Insoumis, comme Eric Coquerel, laissent entendre qu’il serait possible de jouer le temps additionnel durant le week-end, ce qui n’est pas du tout assuré. Dans tous les cas, on ne tardera pas à savoir qui, pour parler comme Berger, profitera ou non de la « connerie » de l’obstruction.


Éditorial d’Erik Emptaz. Le Canard enchaîné. 15/02/2023


2 réflexions sur “Parlementaires de contrastes

  1. bernarddominik 16/02/2023 / 10h11

    Oui que chacun prenne ses responsabilités. Après avoir été complice de la destruction de notre industrie la cgt va t elle l’être de notre système de retraite?

  2. Libres jugements 16/02/2023 / 12h38

    Pourquoi s’acharner uniquement sur la CGT, Bernard dans ton commentaire…
    Plein de licencié-e-s sans raisons ont obtenu-e-s réparations grâce aux interventions des syndicats et enfin si « ils » étaient absents ou en seraient le respect humain, les jours de repos, les congés, les rémunérations…
    Ah! oui, ils incitent à faire grèves ces salopiauds.
    À votre bon cœur mon seigneur !
    Michel

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