Triste positionnement…

… volonté de sabrer « le culturel », d’abêtir la population…

Attention : si nous parlons dans cet entrefilet de la région Auvergne Rhône-Alpes, vous noterez que le phénomène est, hélas, également observé dans les autres régions de France dont la quasi-totalité est dirigées par les droites.


Le fait du prince. Le président du conseil régional, Laurent Wauquiez, y tient le premier rôle.

Au printemps 2022, il est apparu en Harpagon taillant sans faire de détails dans les subventions. Addition salée : plus de 4 millions d’euros, plus d’une centaine de lieux mis à l’amende — théâtres, festivals, opéra… Le tout au nom d’un « rééquilibrage territorial » destiné à « favoriser les initiatives et les projets auprès des habitants éloignés des grandes institutions», dont nul n’a vu la couleur.

La Région a bien réactivé en juin un fonds d’urgence doté de 500 000 euros, mais ses critères restrictifs (structures de moins de dix salariés, 5 000 euros maximum, perte de chiffre d’affaires d’au moins 30 % par rapport à 2019…) en ont limité la portée, et seule une infime partie de cette somme (14 500 euros, selon l’opposition) a été utilisée.

Quant aux appels à projets, promis pour réinjecter une partie des subventions supprimées, ils ne seront lancés que le 1er mars et pour un montant annoncé de 2,5 millions d’euros. Autant dire que celles-ci sont bien passées par pertes et profits en 2022.

Cette année, Laurent Wauquiez revient en Richard III, le côté sanguinaire en moins, avec la même ambition que ce personnage shakespearien: imposer ses vues. Son dernier fait d’armes ? Le retrait de la Région de toutes les CPO (conventions pluriannuelles d’objectifs) le jour où elles devaient être signées.

Une décision prise sans crier gare, perçue comme une déclaration de guerre. Car derrière cet acronyme se cache un des fondements de la dé­centralisation culturelle : l’engagement commun de plusieurs collectivités locales autour du financement d’un projet artistique sur plusieurs années. « C’est un ajournement, nous souhaitons adapter le modèle de convention à la réalité de nos actions », tempère Sophie Rotkopf, vice-présidente en charge de la Culture au conseil régional.

Pas de quoi rassurer les acteurs culturels qui redoutent que derrière cette « adaptation » ne se profile un financement annualisé basé sur des appels à projet répétés. Un moyen idéal pour créer une dépendance envers celui qui, chaque année, décide souverainement de reconduire ou pas votre subvention. Et comment alors construire un projet artistique à l’échelle d’un territoire quand celui-ci ne peut se concevoir que sur le longterme ?

Des questions qui semblent indifférer le très libéral et autoritaire Laurent Wauquiez. Ses proches le confirment: « Il déteste l’idée d’avoir des guichets obligatoires, d’être coincé dans des contrats de long terme, et quand il investit, il veut que ça se sache ».

Alors, aujourd’hui, les établissements culturels comme les équipes artistiques sont dans un brouillard total pour 2023, attendant l’oukase du maître de la Région. Et ce ne sont pas les propos de Sophie Rotkopf qui vont les rassurer. « Le budget de la culture est sanctuarisé, cependant rien n’est dû ni gravé dans le marbre […] Certaines subventions vont augmenter, d’autres baisseront. »

Autant bâtir l’avenir sur du sable.


Article pour partie lu dans Télérama du 15/02/2023. Signé : O. Milot – S. Rahal.


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