Incroyable, la dernière réunion de l’état-major de la CGT, mercredi 1ᵉʳ Fév.
Fin à plus de 4 heures du matin, noms d’oiseaux, regards sombres, portes qui claquent, propos qui blessent, accusations d’autoritarisme, d’exercice solitaire du pouvoir, de « lutte des places » qui fusent. On a causé féminisme et pointé du doigt « ceux qui, dans les territoires, terrorisent les femmes ».
Rudement engageant. La scène, racontée dans « Les Echos », témoigne de la saine vigueur des relations entre camarades. La cause de cet étripage en règle ? Marie Buisson.
Rudement engageant. La scène, racontée dans « Les Echos », témoigne de la saine vigueur des relations entre camarades. La cause de cet étripage en règle ? Marie Buisson.
Inconnue du plus grand nombre, Marie Buisson a été choisie par Philippe Martinez, soudain premier féministe de France, pour lui succéder.
Après les coups de gueule et la moustache frémissante, voici la réserve d’une femme de 54 ans, souriante prof de lettres et d’histoire-géo en lycée technique, qui dirige la fédération CGT de l’éducation depuis six ans. Martinez, maintenant qu’il a vu en elle celle qui seule pourrait lui succéder, la balade.
Elle est dans ses bagages, on la trimbale, on la présente, mais elle reste mutique. Est-ce par habileté, pour ne pas avoir l’air de pousser dehors celui qui lui offre le trône ? pour ne pas donner l’impression désagréable que cette succession est une simple formalité ? ou par incapacité à se mettre en avant ? « Un peu des trois », rigole le dirigeant d’une grosse fédération, qui admet mal la connaître .

Révolution verte
Depuis vingt ans qu’elle est à la CGT, ses prises de position, c’est un peu comme la Méditerranée par beau temps et vent nul. Sentant le malaise monter devant tant de discrétion, les proches de Martinez l’ont un peu tancée. Marie, il faut communiquer, tu n’imprimes pas et le temps presse, le congrès est en mars. Embarrassée, elle a confié à « L’Humanité » : « Ce serait embêtant que le fait que je sois une femme apparaisse comme la seule chose qui ressorte de ma candidature. » Cette forte phrase n’a pas calmé les oppositions.
Car, derrière une banale histoire de succession, c’est bien une révolution qui se joue. La discrète Marie Buisson incarne une ligne en rupture totale avec celle de la centrale. Elle est féministe, écologiste proche de Green-peace, intéressée par le « sociétal », dans un syndicat perçu comme très masculin, jusqu’à présent bien discret sur les affaires #MeToo – qui ne l’ont pas épargné -, défendant l’industrie et le nucléaire.
Sa candidature a été pensée et lancée dans le huis clos du bureau du secrétaire général, aiguillonné par sa cheffe de cabinet, la bien nommée Elsa Conseil, une femme respectée mais contestée en interne, surnommée par certains « la Tsarine », et qui défend mordicus cette ligne, la seule capable, selon elle, de sortir le syndicat du déclin. « Maintenant, le pouvoir, c’est nous », aurait affirmé une responsable départementale cégétiste lors de la fameuse réunion des dirigeants du syndicat.
La pétition féminine de soutien à Buisson, en apparence spontanée, a été conçue par Elsa Conseil, qui tire les ficelles de cette candidature.
L’ennui, c’est que la ligne Buisson, qui prône un rapprochement avec des associations, des ONG, et avec EELV (Marine Tondelier, nouvelle patronne des écolos, ne cache pas ses bonnes relations avec Martinez), n’a fait l’objet d’aucun vote. « Un jour, comme ça, on découvre que Martinez a signé une tribune avec Greenpeace, sans en avoir parlé à personne », se souvient l’un des patrons de la fédération de l’énergie, animé d’une froide colère. De la même façon, la mise sur orbite de Marie Buisson à la tête d’une fédération sans réel poids à la CGT n’a fait l’objet d’aucune concertation en dehors des intimes du patron.
Machine à broyer
« Cette ligne, c’est un truc de bobos à tous les étages, anti-industrie, anti-peuple ouvrier. Quand on sait que la base CGT est extrêmement diverse, avec des gens qui votent RN, PC, LH, écolo, on se pince quand Martinez choisit Buisson », balance un bon connaisseur du syndicat.
Depuis la réunion de mercredi, les opposants, incapables de s’unir jusqu’à présent, pensent avoir trouvé la perle rare : Céline Verzeletti, secrétaire confédérale, féministe, militante LGBT, connue pour avoir travaillé sur la question des sans-papiers dans le monde du travail. « Elle est intelligente, c’est une femme, on ne va donc pas nous faire le coup des vieux machos », sourit un opposant. « Verzeletti va avoir le soutien féroce de puissantes fédérations, comme l’énergie, la chimie, les cheminots », prédit un membre du bureau confédéral. Soutien féroce ? « Buisson est mal barrée, elle va se faire broyer ».
A peine sortie du chapeau, et déjà prête à se prendre une veste.
Texte Anne-Sophie Mercier, dessin de Kiro. Le Canard enchaîné. 08/02/2023
La cgt à vu le projet retraite de Macron comme le moyen de se relancer. Pourtant pour les complémentaires elle a accepté que l’âge soit reporté à 65 ans pour ne pas avoir de pénalités. Nos syndicats confondent l’intérêt général et leur propre intérêt. Cette lutte interne montre bien la réalité de la CGT.