Jamais bien loin…

… les lobbyistes achètent l’ordre policier !

Manuel Esteban Paez Terán, 26 ans, a été tué par les forces de l’ordre lors de l’évacuation d’une ZAD de Georgie le 18 janvier. […)

Surnommé Tortuguita (« petite tortue ») ou Tort, ce jeune homme de 26 ans militait sur l’une des ZAD les plus emblématiques du pays : la forêt de Weelaunee, dans le sud de la ville, menacée par un projet de construction de « Cop City » (« la Ville des flics »), une ville factice conçue pour l’entraînement policier et financée en partie par des fonds privés.

L’avocat Steven Donziger, […] icône américaine de la lutte contre l’industrie fossile, […] est mondialement connu pour avoir fait condamner le géant pétrolier états-unien Chevron pour la pollution et l’empoisonnement d’une vaste région de l’Amazonie équatorienne pendant trente ans, et avoir obtenu le versement des dommages et intérêts les plus lourds de l’histoire du droit de l’environnement — 8,5 milliards de dollars.

Mais depuis, victime d’une offensive judiciaire kafkaïenne de la part de Chevron, Steven Donziger est aussi devenu le symbole du harcèlement judiciaire et de la criminalisation des écologistes aux États-Unis.

Nous l’avons interviewé au téléphone à Manhattan, où il vit.

  • Manuel Terán est-il le premier militant du climat à être tué par la police aux États-Unis ?

Effectivement, cette mort est sans précédent. Jamais je n’aurais imaginé que cela puisse se produire un jour aux États-Unis. Bien sûr, un grand nombre de protestataires ont été tués dans notre pays au fil du temps. L’histoire américaine est émaillée de massacres de millions de personnes indigènes, dont onpourrait dire qu’ils ont été nos premiers « écoactivistes », parce qu’ils protégeaient la Terre. […]

Chaque année, des écologistes sont assassinés dans des dizaines de pays à travers le monde. L’ONG Global Witness a recensé 1 733 victimes lors de la dernière décennie (2012-2021). C’est quasiment une personne tuée tous les deux jours. […]

  • Que sait-on, aujourd’hui, de la mort de Manuel Terán ?

[…] Premièrement, il n’y a aucun enregistrement vidéo alors que ces officiers sont équipés de caméras. Une photo, prise par un photographe de l’agence AP, montre clairement que les forces de police portaient des caméras mobiles lors de leur intervention dans la forêt. Où se trouve la vidéo ? Ont-ils débranché leur équipement ?

Deuxièmement, selon le « Guardian« , une demi-douzaine de militants se trouvaient dans la forêt quand Manuel est mort. Ils ont entendu une seule série de tirs très rapides, et non un échange de coups de feu.

Enfin, une autopsie du corps, conduite de façon indépendante, est indispensable. Combien de tirs a-t-il reçus ? À quelle distance ? Était-il allongé sur le sol et en incapacité de se défendre ?

  • Un policier a aussi été légèrement blessé lors de l’opération…

Voilà pourquoi nous avons besoin d’une enquête indépendante. S’il est vrai, comme les forces de police l’affirment, qu’elles ont tiré en situation de légitime défense, alors elles devraient être heureuses de le prouver avec leurs images. Pourquoi ne le font-elles pas ? […]

Un jeune homme a été tué lors d’un raid massif, une opération totalement démesurée conduite par cinq agences de police lourdement équipées, dont le FBI, pour déloger une poignée de militants pacifiques qui dormaient dans des tentes et des hamacs dans la forêt. Ceux-ci tentent de préserver l’un des derniers espaces verts d’Atlanta, terre historique des natifs amérindiens, que les autorités veulent raser pour y construire un centre d’entraînement pour policiers en forme de ville et financé, notamment, par des fonds privés — Coca-Cola, Home Depot, Delta Airlines…

Ce combat vise aussi le pouvoir policier états-unien, toujours plus armé et violent.

[…]

  • Quelle est la responsabilité de l’industrie fossile ?

Les défenseurs de la planète sont aujourd’hui les cibles de l’industrie fossile. Parce que celle-ci veut continuer à faire des profits, à tout prix. Ses représentants n’ont rien à faire de l’état de la planète, et des ravages que produit la poursuite de l’extraction des énergies fossiles — qui n’a jamais été aussi importante dans l’histoire de l’humanité ! Ils savent ce qu’ils font depuis les années 1970 [selon une étude publiée le 13 janvier dans la revue Science, le géant pétrolier ExxonMobil a évalué précisément l’impact de son activité sur le bouleversement climatique dès la fin des années 1970, ndlr].

Aujourd’hui, ils sont entrés en guerre contre les citoyens, contre tous ceux qui manifestent pacifiquement et réclament une action politique pour freiner le bouleversement climatique et la destruction du vivant en cours.

Aux États-Unis, l’une de leurs stratégies consiste à investir une partie de leurs gigantesques profits dans le financement direct des forces de police. C’est par exemple le cas dans l’État du Minnesota, où la société Enbridge, une entreprise canadienne en charge du projet de pipeline de sables bitumineux Line 3, a accordé plus de 8 millions de dollars à la police locale pour arrêter et surveiller neuf cents manifestants opposés au pipeline. On en est là : l’industrie fossile achète le soutien de la police.

  • Que pensez-vous du terme d’“écoterrorisme”, de plus en plus employé à l’encontre des militants écologistes ?

C’est l’œuvre des milieux conservateurs, de l’industrie fossile, de la police. Ils ont forgé ce terme, comme celui de « black blocks verts », pour fragiliser le mouvement climat qui s’oppose à leurs intérêts. […] L’industrie fossile, qui a conscience de la menace, amplifie ses actions de lobbying auprès de nos gouvernants pour s’assurer que rien ne va mettre en danger ses profits. Et tous les moyens sont bons : l’escalade répressive, et verbale…

[…]


Propos recueillis par Weronika Zarchowicz. Télérama  N°3813. Source (Brefs extraits)


Une réflexion sur “Jamais bien loin…

  1. bernarddominik 14/02/2023 / 14:10

    Triste et honteux. Peut-on encore faire confiance dans la police aux usa? Les américains devraient songer à réformer cette institution qui ressemble à un auxiliaire de la pègre

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