Une agriculture survoltée

Les doigts dans la prise.

Pour atteindre d’ici à 2050 la fameuse « neutralité carbone », Macron mise sur les paysans. Il leur a présenté la feuille de route : 8 % du gaz consommé en France produit à la ferme, contre 0,1 % aujourd’hui, et surtout la multiplication par dix de la surface de panneaux solaires, essentiellement implantésdans les champs, pour arriver à 100 000 ha au moins.

Ni une ni deux, le Conseil des ministres a pondu un projet de loi sur l’« accélération de la production d’énergies renouvelables », qui vise à donner un coup de jus à l’agrivoltaïsme.

Le texte, adopté par les députés le 31 janvier 2023, est presque un copié-collé de la proposition de loi « en faveur du développement de l’agrivoltaïsme » soufflée en juin aux sénateurs par l’industrie du panneau solaire.

Pour que le courant passe avec les parlementaires et les pouvoirs publics, le lobby du photovoltaïsme a créé, en 2021, l’association France Agrivoltaïsme, dirigée par le patron de Sun’Agri. Cette entreprise montpelliéraine, « leader mondial de l’agrivoltaïsme dynamique », comme elle se qualifie elle-même, travaille main dans la main depuis dix ans avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

Sun’Agri a déjà couvert avec ses panneaux des milliers d’hectares de terres agricoles, notamment en Occitanie. Une agriculture 2.0, puisque les installations champêtres, bardées d’intelligence artificielle, sont pilotées à distance depuis un centre de supervision à Lyon.

Au fait, pourquoi les industriels du photovoltaïque lorgnent-ils les terres agricoles plutôt que les toits d’immeuble ?

En 2018 et en 2019, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie a calculé que, juste en tapissant les grandes toitures, les friches industrielles et les parkings, on franchirait la barre des 176 GW de capacité de production, au-delà de l’objectif de 100 GW fixé par Macron.

Sauf que semer à la campagne des panneaux photovoltaïques pour la plupart construits en Chine – c’est moins compliqué et, surtout, beaucoup moins cher, vu le coût du foncier agricole.

Pour « photovoltaïser » les champs à tout-va, les industriels ont réussi à exclure les panneaux solaires de la loi contre l’artificialisation des sols. En proposant aux agriculteurs devenus producteurs de watts un loyer annuel de 2 500 à 5 000 euros par hectare, ils se sont aussi mis dans la poche le principal syndicat agricole, la FNSEA.

Ce qui s’appelle tomber dans le panneau ?


Article non signé lu dans le Canard enchaîné du 08/02/2023


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