Ile de Mayotte…

…. une île française, mais pas complètement !

  • Qu’est-ce que la France fabrique sur une petite île du fin fond de l’océan Indien ?
  • Quel intérêt y a-t-il à conserver une ancienne colonie qui rapporte surtout des problèmes ?
  • Il est vrai qu’il y a une raison historique : ses habitants ont massivement choisi d’être français quand on leur a demandé leur avis, en 1974.
  • Dès lors qu’un territoire appartient à la France, en théorie, on s’en occupe, on lui donne les moyens économiques et politiques d’accéder aux valeurs de la République.

Pourtant, ici, c’est loin d’être le cas.

Ce serait même l’inverse, vu qu’on délaisse sciemment Mayotte. L’idée étant que si l’on apporte trop de confort, cela attirera encore plus les migrants. Effectivement, il en débarque chaque jour des Comores ou de Madagascar. Alors, on leur complique la vie. Quitte à tordre les principes républicains.

Par exemple, en métropole, un mineur né de parents étrangers sur le sol français peut demander la naturalisation dès l’âge de 18 ans. Or, à Mayotte, il faut qu’un de ses deux parents ait été en situation régulière trois mois avant sa naissance.

Pour en arriver là, il faut faire des acrobaties juridiques. L’article 73 de la Constitution française stipule que les lois de la République sont partout les mêmes : « Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit ». Simultanément, ce texte permet des dérogations, en précisant que ces mêmes lois et règlements « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités »

Le législateur, soucieux de l’unicité républicaine, a prévu un garde-fou, spécifiant que « ces règles ne peuvent porter sur la nationalité ». Or, à Mayotte, est touché l’accès à la nationalité ! Cette violation de l’article 73 fait dire au sociologue Nicolas Roinsard qu’ « un verrou constitutionnel a sauté à Mayotte. Celle-ci est devenue un laboratoire d’expérimentation des mesures de durcissement du droit à la nationalité ».

À partir de là, on comprend l’utilité de garder une île, qui est à la fois française… tout en n’étant pas complètement française. Cela permet de tester de petits coups de canif à la Constitution, avant de les appliquer à tout le territoire.

Une île qui rend fou

À mon retour de Mayotte, certains me disaient, les yeux brillants : « Wouah, tu as de la chance, les îles, c’est formidable ! »

Franchement, les îles, c’est bien beau, mais ça peut aussi rendre fou. S’il y en a un qui peut en témoigner, c’est Lionel Buron, psychiatre là-bas depuis vingt ans. Il m’explique que nombre de ses patients souffrent de « « syndrome insulaire » : cela se manifeste par certains problèmes qui émergent sur une île, encore plus qu’ailleurs ».

Et davantage à Mayotte que sur n’importe quelle autre île. Je ne voudrais pas nuire à l’office de tourisme de ce département ultramarin (où les touristes sont déjà rares), mais Mayotte n’a absolument rien à voir avec la Guadeloupe ou la Martinique.

Le degré de violence y est incomparable.

Pour les Blancs venus de métropole, cela peut engendrer des difficultés.

Lionel Buron rapporte que « leurs problèmes peuvent venir de la confrontation entre les projections fantasmatiques que l’on se fait de l’île et la réalité de la vie sur place ». Eh oui, ils s’attendaient à un petit paradis, et ils se retrouvent cernés par les bidonvilles, sur un caillou de 20 bornes sur 40, sans même pouvoir se balader sur une plage déserte sans risquer de se faire dépouiller (voir Charlie de la semaine dernière).

Condamnés à rester entre Blancs, à fréquenter les deux ou trois mêmes bars, il y a de quoi claustrophober. Lionel Buron tient à préciser : « Ce n’est pas forcément une déception, et il peut y avoir une euphorie qui s’installe. »

Le confinement et l’isolement peuvent même entraîner « une exacerbation des positions hiérarchiques ». En clair, les Blancs surjouent les colons, et là, c’est le psychisme des Mahorais qui en fait les frais. Les Blancs peuvent aussi s’adonner à ce que Lionel Buron appelle l’ « hypersexualité insulaire, accentuée par le mythe de la vahiné et des filles faciles ».

Forts de leur prestige de Blancs – et surtout de l’épaisseur de leur portefeuille -, ils baisent à tout-va… avant de tomber parfois de haut. « Il y a des hommes qui ont des relations avec des jeunes femmes qui se disaient majeures, mais qui sont mineures, et les font ensuite chanter en menaçant de tout révéler. »

Pour les Mahorais, c’est différent. Ils ont aussi leurs troubles psychiques, bien spécifiques. Lionel Buron en a suivi l’évolution : « Quand je suis arrivé, en 2002, Mayotte était une société rurale, tenue par des valeurs traditionnelles, comme l’entraide communautaire. À l’époque, il n’y avait pas ces phénomènes de bandes. Mais le passage rapide â la société de consommation a fait perdre ces repères identitaires. »

Quand on vous fait miroiter des biens que vous n’avez pas les moyens de vous payer (et que l’on vous fait bien comprendre que vous ne les aurez jamais), normal que vous soyez tentés de les voler. Entre les mythes insulaires des Blancs et les aspirations consommatrices des Mahorais, le chaos de Mayotte s’explique aussi par cette dimension psychique de la post-colonisation.


Antonio Fischetti. Charlie hebdo. 08/02/2023


Une réflexion sur “Ile de Mayotte…

  1. bernarddominik 12/02/2023 / 13h02

    Mayotte est une île volée aux Comores.
    Il faut la rendre.

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