La fébrilité du désir

J’ai oublié ce qu’était cette fébrilité du désir, cette électrique tension du permanent qui-vive.

Pendant longtemps, j’ai regardé les femmes, toutes les femmes, attentif au moindre élan de séduction qu’elles pouvaient me provoquer. Je possédais toute une gamme de sourires qui envoyaient toute une gamme de signaux et j’étais devenu maître à décoder gestes et mimiques, silences et expressions, mensonges et sous-texte.

Un croisement de regards suffisait à enchanter ma journée, je disais aux femmes que je les trouvais belles, comme ça, pour rien, pour le plaisir d’assister à leur surprise, au rayonnement soudain de leur visage. Le pétillement d’un oeil ou des dents blanches offertes étaient mes oasis enchanteresses.

Même lorsque j’étais dans une histoire je ne me lassais pas de saisir la moindre occasion de séduction, aussi éphémère que gratuite fût-elle. J’étais jeune avec l’envie de vivre, de tout vivre. Puis j’ai rencontré ma femme. Et à force de la désirer, de l’aimer, j’ai fini par l’adorer, au sens étymologique, c’est-à-dire que je lui ai voué un culte, une vénération et le monde s’est alors vidé de toutes les femmes.

Dix ans plus tard elle est toujours là, à mes côtés et je ne crains pas de la perdre.

Le sourire d’une jolie femme ne me fait plus aucun effet. Je suis repu.


David Thomas. Recueil « Partout les autres ». Éd. Olivier


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