Mélenchon n’y est plus, mais le bruit et la fureur sont de retour à l’Assemblée.
Et, dans l’ambiance chaude bouillante de l’hémicycle, il reste plus facile de compter les amendements de la Nupes au projet de réforme des retraites que les députés de droite qui finiront ou non par la voter (lire p. 2). La tension est d’autant plus survoltée que les députés ont commencé à s’écharper dès lundi, avant même qu’ait débuté l’examen du premier article. Ce qui promet de grands moments puisque, à partir de ce début de semaine, les députés ne disposent que de dix jours, pas un de plus, pour parvenir au vote. Entre grosses obstructions et petites concessions dans ce climat plus énervé sur les bancs du Parlement que sur les pavés de la rue, pas aisé de s’y retrouver.
D’autant que chacun y met du sien pour en rajouter. C’est stupeur et tremblements dans tous les rangs, vociférations, invectives, menaces, égosillements et obstruction censément modulable « comme au piano », mais qui, pour l’immédiat, persiste encore à ressembler à une cacophonie de trompettes bouchées. Les prises de bec et de chou sur la motion de rejet préalable du texte défendue par LEI, puis sur la motion référendaire du RN, ont donné un avant-goût. Chacun joue en même temps sa propre partition, ce qui provoque des couacs, y compris au sein d’une même formation.
A droite, Aurélien Pradié a ainsi réussi à semer la zizanie dans son parti à propos des concessions de Borne aux députés LR. Alors que le chef du groupe LR, Olivier Marleix, se réjouissait d’un « pas en avant », lui a tapé un coup de pied en arrière en hurlant à la « tromperie ». Et d’annoncer qu’il ne voterait pas le projet, au grand dam de Marleix et de Ciotti, qui ne sont pas du tout sur la même ligne que lui.
Pradié, qui fut en d’autres temps porte-parole de Pécresse, chantre de la retraite à 65 ans, n’en souhaite pas moins qu’un trimestre de cotisation seulement – alors que Borne en prévoit cinq – suffise pour bénéficier du dispositif des carrières longues pour un départ à 63 ans, ce que son parti n’a jamais demandé. Borne, dans le « JDD », a chiffré la mesure à 10 milliards d’euros, ce qui est embêtant quand on peine déjà à trouver des sources de financement pour un retour à l’équilibre. En plus de compter les troupes, les votants et les manifestants, il faut compter les milliards en même temps.
Compter aussi avec les ennuis du ministre du Travail Dussopt, soupçonné de « favoritisme » dans une histoire d’eau et de lithos à menu prix mais à grand bruit, du temps où il était maire d’Annonay, en Ardèche.
Ce qui, malgré ses dénégations et le soutien de l’exécutif, lui vaut un tonitruant concert de sifflets dès qu’il prend la parole à l’Assemblée. Vu le niveau sonore et celui d’électricité dans l’air, peut-être ne faut-il pas trop se plaindre que les débats soient limités dans le temps. La tenante du perchoir, Yaël Braun-Pivet, qui s’égosillait à demander si ça allait durer « quinze jours comme ça dans l’hémicycle », s’est entendu répondre un « ouiii » franc et massif de la Nupes.
Côté ambiance, on peut y compter. Les discussions seront de toute façon closes à minuit, le 17 février, même si la totalité des articles n’a pas été examinée. Mais il sera encore trop tôt pour savoir si Elisabeth Borne réussira à éviter de compter une nouvelle fois jusqu’à 49.3. Ce qui ne manquerait évidemment pas de faire perdurer le bruit et la fureur, à l’Assemblée comme sur le pavé.
Érik Emptaz. Éditorial du Canard enchaîné. 08/02/2023
La nupes ferait mieux de défendre bec et ongles quelques amendements utiles que déposer des milliers d’amendements qui ne seront même pas discutés. C’est la gauche de l’inutile qui n’a pas compris qu’il valait mieux un petit pas en avant que rien du tout.
C’est vrai que je ne comprends pas trop la stratégie de la NUPES en déposant autant d’amendements sur ce fallacieux projet de réforme de la retraite.
Amitiés
Michel