Déraison !

Les folies d’une association pour démunis

Equalis souquait ferme contre la précarité… de ses dirigeants.

La direction d’Equalis, association d’aide aux personnes précaires et aux migrants, n’était décidément pas démunie ! En septembre 2021, « Le Canard » révélait le modeste salaire du patron : 11 470 euros net mensuels, sans compter un logement de fonction et une Audi Q7 de fonction -2 097 euros par mois en leasing. Mais, depuis, un rapport d’inspection, diligenté par la préfecture de Seine-et-Marne (siège d’Equalis), a épinglé quelques autres folies des grandeurs de cette assoce financée exclusivement sur fonds publics. Le Palmipède a pu consulter ce document, rendu en novembre et resté confidentiel.

29 directeurs à la manoeuvre

En 2020, les revenus du boss, Arthur Anane, culminent à 203 000 euros brut en comptant un petit supplément d’âme correspondant à des RTT non prises cette année-là. Et les rapporteurs de la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités se frottent les yeux : en prenant « la convention collective la plus avantageuse » du secteur social, ce salaire « nécessiterait que l’association ait un chiffre d’affaires supérieur au milliard d’euros ». Et ? Equalis gère un budget annuel de… 80 millions.

Ce qui n’empêche pas un comité de direction pléthorique : 29 directeurs, dont huit payés plus de 100 000 euros par an, et tous équipés de bagnoles de fonction avec essence gratos. « Une dérive salariale (…) en dehors de tout ce qui se pratique dans le secteur », notent les inspecteurs. Plusieurs cadres dirigeants ont aussi droit à des cartes bancaires prépayées Mooncard, qui ont surtout servi à régler des frais de bouche pour « un montant moyen de repas de 50 euros » !

Logé gratis en Seine-et-Marne « sans que la nécessité de ce logement soit avérée », le directeur général avait aussi droit à une carte plafonnée à 5 000 euros annuels pour ses menus frais de resto ou d’hôtel. Et il avait un petit faible pour les hôtels « quatre étoiles », voire un « quatre-étoiles premium », à Versailles (310 euros la nuit), sans compter « un hôtel de luxe » en Côte d’Ivoire, où il comptait ouvrir une antenne.

Nos inspecteurs ont aussi mis la main sur des « achats injustifiés » d’ « appareils électroménagers », du « mobilier » et de la « décoration » pour le logement de l’ancien directeur. Un autre ex-dirigeant, lui, a été viré avec une obole de 49 100 euros. Après l’ « utilisation frauduleuse » de sa Mooncard pour plus de 8 000 euros. Lunaire…

Les moines soldats du « comité de direction » ont aussi organisé, en 2019 à Marseille, un séminaire à 71 000 euros. Selon « différents témoignages », écrivent les rapporteurs, ce séminaire boulot-boulot a été égayé par un « apéritif sur un voilier ». Misaine !

Autres fiestas ? Une journée à 123 000 euros au Trianon pour fêter la fusion de plusieurs entités et 140 000 balles pour une soirée à Malakoff avec les salariés (Equalis en compte près de 900).

Séminaire maritime

Et les auteurs de flinguer : « Il n’y a manifestement peu, voire pas, (…) d’attention portée au bon usage des fonds publics, alors même que ceux-ci sont alloués pour (…) des personnes en difficulté sociale. » Quelque 11 000 personnes démunies sont suivies chaque année par Equalis…

Des cabinets extérieurs étaient sollicités en fonction d’ « intérêts particuliers… à la limite du conflit d’intérêts ». Equalis a ainsi allongé 431 000 euros en 2020 pour les services d’une société de recrutement « choisie sans mise en concurrence » et dirigée par « un proche du directeur général » . Un autre cabinet de conseil en « immobilier solidaire » a été payé 147 000 euros pour des missions un brin fumeuses. « La réalité des prestations (…) est mise en question », cingle le rapport…

Ouverte le 23 septembre 2021 par le parquet de Meaux, une enquête préliminaire est toujours en cours. L’ancien patron a été, lui, licencié en juin 2022 par la présidente du conseil d’administration. Après l’article du « Canard », celle-ci avait pourtant dénoncé, dans une vidéo aux salariés, une honteuse « tentative de déstabilisation » de la part des médias. Encore un complot qui fait pschitt…


Isabelle Barré. Le Canard enchaîné. 08/02/2023


Une réflexion sur “Déraison !

  1. bernarddominik 09/02/2023 / 14h37

    Les subventions de l’état sont distribuées suivant le seul principe du « bon plaisir » du roi qui siège au palais de l’Elysée, ça explique tout.

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