C’est l’époque de l’année où la maison est pleine.
Nous sommes douze à table, plus, à côté, une tablée de sept enfants. Je ne suis jamais aussi inactif que lorsqu’ils sont là.
Mes filles, mes fils, mes gendres et belles-filles me retirent tout des mains, m’interdisent d’entrer dans la cuisine, c’est tout juste s’ils ne m’apportent pas mon petit-déjeuner au lit.
Je ne fous rien d’autre que me laisser distraire par les conversations, les émerveillements et les jeux de mes petits-enfants. J’ai l’impression parfois d’être un vase de Chine. Mes enfants ont toujours connu cette maison, tout comme moi qui en ai hérité de mes parents.
C’est un rite familial qui perdure depuis ma naissance, toute la famille s’y réunit chaque première semaine d’août. Puis elle s’éparpille et chacun va passer ses vacances ailleurs.
Ensuite, je sais que j’y serai seul au moins pendant dix jours. Parfois, certains y reviennent le temps d’un week-end avant la fin de l’été, mais jamais tous ensemble.
Étonnamment, j’adore cette dizaine de journées seul avec la chienne. Après avoir été une ruche, la maison retrouve un silence de vieillesse dans lequel je me sens détendu.
Et puis, inévitablement, la douceur fait place à l’angoisse.
David Thomas. Recueil « Partout les autres ». Éd. d’Olivier